David Bosc, traducteur et préfacier, nous présente un Dino Campana, poète du tout début du vingtième siècle, comme une personne avec une lourde charge psychiatrique. Rien que sa vie fait rêver : à parcourir le monde en écrivant des poèmes dédiés à la Méditerranée et aux bordels. Il croisera d’ailleurs la route de quelques noms que j’ai noté pour de futures lectures fiévreuses.
Campana ne laissera derrière lui que ce –trop– court recueil, qu’il a eu tant de mal à publier et que j’ai trouvé sublime. Il aurait dû s’appeler « Le Jour le plus long », c’est anecdotique, mais je le dis, car j’aurais préféré ce titre.
Dino Campana, Chant Orphiques, éditions ALLIA, Paris, 2006, 127 pages.
J’ai lu ça durant ma semaine de vacances, les pieds en éventail à la mer. Comment vous dire que cette célébration sublime de la Méditerranée était toute indiquée ! Cette poésie en prose m’a sublimée : je l’ai trouvé tantôt très classique et tantôt, par sa forme, assez avant-gardiste. On y remarque bien que l’auteur n’a que faire des conventions, rien que dans ce format, que lui-même a conçu, il enchaîne la prose et les vers sans se soucier. C’est donc bien un auteur hors-case, comme on les aime !
Plonger dans son monde est merveilleux, c’est plonger dans des rues sinueuses du Sud pour entrer à l’ombre des bougies d’un bordel, une description dans le sublime (oui, c’est le mot qui convient à ce recueil) et la lueur rouge tendre qui éclaire les profils des femmes. Un ode à l’âme lascive et dangereuse du Sud méditerranéen. Son écriture est en refrein, des répétitions divines qui cherche le mot idéal : une litanie qui nous immerge plus en avant encore ! Bref, je suis conquise. Je l’ai été dès que je suis allée chiner à Ombre Blanche (voir Bilan de Juillet) et que je l’ai ouvert, au hasard, à cette page :
« Dans le fond, en avant, qui posait sur le faste d’une ottomane rouge, le coude soutenant la tête, qui appuyait le coude soutenant la tête, une matrone, les yeux brun vif, les mamelles énormes : à côté, une enfant agenouillée, ambrée et fine, les cheveux coupés sur le front avec une grâce juvénile, les jambes nues et lisses hors d’une robe éblouissante : et au-dessus d’elle, sur la matrone pensive dans ses yeux jeunes, un rideau, un rideau blanc de dentelle, un rideau qui paraissait remuer des images, des images au-dessus d’elle, des images candides au-dessus d’elle, pensive dans ses yeux jeunes. »
Moi, cette écriture m’enivre, vraiment. Et, je sais que certains se diront qu’il faut le lire plusieurs fois pour tout saisir du sens, et c’est vrai, c’est le jeu aussi ! Mais cela ne vous fait-il donc pas l’impression d’un onirisme fiévreux ? Des rêves éveillés un peu ivres ? Mais enfin, mon passage préféré, puis je vous laisse découvrir par vous-même, hein :
« […] en hauteur, dans les trophées de gypse d’une église, les anges potelés et blanc fondent leur pompe conventionnelle, tandis que sur la rue, les perfides jeunes filles brunes méditerranéennes, brunies d’ombre et de lumière, se murmurent à ‘oreille, à l’abri des ailes théâtrales, et ils semble qu’elles fuient, chassées vers quelque enfer dans cette explosion de joie baroque : tandis que tout, tout s noie dans le doux bruit du battement d’ailes des angelots qui emplit la rue. »
Quel est la dernière lecture qui vous a bouleversée ? Et vous, qu’avez vous lu en vacances ?
Il fait rêver ce recueil ! J’adore!
N’est ce pas ? 🙂