Enfin, je m’attaque, dans le cadre du Challenge des Littératures slaves, à un non-russe. W. L. Tochman est un Polonais, et il m’a permis de découvrir les excellentes éditions Noir sur Blanc.
W. L. Tochman, Eli, Eli, Les éditions Noir sur Blanc, 2013, 155 pages.
C’est un livre intéressant mais désarmant.
Il se présente comme un album photographique, mais sans image, seulement la description des photos.
C’est ainsi que commence l’ouvrage : la description d’une photographie de deux femmes. Et l’auteur interroge sur ce qu’on regarde, notre regard. Ce sont deux femmes pauvres des Philippines, et nous, riches occidentaux, on les regarde sans impunité, protégés par le papier glacé, nous sommes maître de juger de leurs souffrances.
Chapitre suivant, on nous présente un natif de ces bidonvilles qui a réussi à s’en sortir mieux que les autres : il se fait payer par des touristes blancs pour leur faire visiter le bidonville. Les touristes Instagram les corps décharnés et trouvent ça très pittoresque, il en fait donc un bon gagne-pain.
L’auteur nous parle de toutes ces photographies prises et au travers de ces description, fini par dérouler la vie de ces enfants nés et élevés dans un cimetière, de cette femme malade, de cet homme qui a tout perdu car il ne pouvait pas payer assez pour soigner le cancer de sa femme…
Et on plonge dans ces vies, on souffre et on s’attache comme l’auteur et le photographe lors de leurs voyages qui ont permis de constituer ce roman témoignages.
Ces témoignages d’ailleurs donnent la possibilité à l’auteur de faire une critique acerbe de la société, une analyse sociopolitique : l’esclavagisme, la prostitution… Vous imaginez bien. C’est certes un récit très engagé, mais ses remarques sont toujours bien menées car elles vont crescendo : d’abord par nuances, à la fin on entre dans des délires colériques. Mais qui tiennent la route.
Et enfin le récit s’achève, se referme sur lui même, avec tendresse, avec respect et en expliquant les démarches complètent derrière ce livre.
C’en est même touchant. Et qu’est ce qu’on est heureux que les photos n’apparaissent pas en fin de livre : on nous donne le choix d’être voyeur, ou de ne pas l’être.
A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.