Destinée Cherche Propriétaire – Saadé

Destinée Cherche Propriétaire de Stéphanie Saadé retrace l’exposition éponyme (2018) ainsi que la résidence (2017 – 2018) à la Maison Salvan dont elle découle en partie.
La Résidence artistique est un réel tremplin pour la jeune création, car elle permet de mettre un atelier et des outils à la disposition d’un artiste. Parfois présente dans des  établissements scolaires loin de grandes villes, cela offre un apport culturel auxquels les enfants et adolescents n’auraient pas eu aussi facilement accès, cela leur permet aussi de découvrir le métier d’artiste et le processus de création, alors qu’il est rarement considéré comme un réel métier par les profanes.

Stéphanie Saadé, Destinée Cherche Propriétaire, Maison Salvan, 2018, environ 40 pages.

edition-saade-01Ainsi, Stéphanie Saadé nous livre ici un travail sur la mémoire, sur la notion du souvenir, dont une partie est en partenariat avec des élèves de CP dans le cadre de sa résidence.

La conception graphique de ce livre a été partagée entre l’artiste Stéphane Saadé et le graphiste Yann Febvre. Le livre se présente en deux parties : « Destinée Cherche Propriétaire », et « Tout ce que je sais pour sûr », qui s’intéresse à la résidence de Stéphanie Saadé. Par ce choix, et par l’équivalence des parties, on peut se rendre compte que chacune a une même importance dans le projet de l’artiste. Ce n’est donc pas seulement un catalogue d’exposition et cela livre une réflexion plus profonde et générale sur les problématiques du travail de l’artiste.

Le papier principal a une apparence fragile, on voit au travers, on devine l’œuvre suivante pendant que l’on en regarde une autre.
Le second papier est du calque, il forme une pochette, dans ces calques sont glissées les vues de l’exposition, ce qui renforce cette impression de transparence qui consiste à regarder plusieurs choses à la foi, ou du moins, d’avoir conscience de plusieurs choses à la foi.
Les images glissées dans les pochettes de calque sont imprimées sur le même papier que les autres pages de textes et images. Ce papier permet que les légendes au dos de l’image soient visibles en transparence. De ce fait, que l’on regarde l’image ou que l’on lise les légendes, l’autre reste toujours possible à deviner, ce qui fait qu’ils se répondent sans cesse, bien qu’ils ne soient pas sur la même face.

Nous avons donc remarqué que le fond et la forme se répondaient intensément. Tout simplement, nous pouvons d’abord remarquer que ce livre à l’apparence d’un cahier d’écolier, avec le lettrage sur la couverture rappelant les stickers, qui se prête particulièrement au thème : Stéphanie Saadé travaillant avec des élèves de CP. De plus, son travail entier interroge la notion de souvenir, et de souvenir d’enfance. Le format du cahier d’écolier est donc particulièrement important et bien choisi.

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Sur le chemin de l’école

La notion de souvenir ne cesse d’ailleurs d’être utilisée et réinterprétée tout au long de l’ouvrage. La transparence, centrale dans ce livre, est également une porte ouverte à l’interrogation de la mémoire. Les vues d’expositions glissées dans les pochettes de calques, qui transparaissent lorsqu’on lit les légendes au dos de l’image rappelle cette notion de souvenir. On se souvient de l’image par sa transparence, mais on ne la voit plus telle qu’on l’a réellement vu : tout comme le souvenir, c’est donc une allégorie de souvenir, de la mémoire. Ce jeu avec la transparence est donc la matérialisation de ce processus de la pensée. Il permet également de raconter une histoire, l’histoire d’une œuvre, de sa construction : la construction du souvenir. Les prémisses de l’œuvres, le projet préparatoire, étant ici imprimé comme une œuvre et pas seulement jeté aux oubliettes. On célèbre la démarche qui amène à l’œuvre, sans l’oublier.

La seconde partie, c’est-à-dire le projet avec des élèves, est imprégné de cette notion de transparence puisque les élèves ont été amenés à se souvenir (encore) du trajet qu’ils empruntent pour aller à l’école. Ces trajets, tracés sur une carte, ont été recopiés par l’artiste (comme calqué, encore), jusque dans les différentes manières de tracer des enfants. C’est donc ce Tableau de classe, qui représente tous le souvenir des trajets des enfants incarné sans la carte. Ainsi la transparence a lieu jusque dans le processus de création de l’artiste.

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Tableau de classe

Cette mise en abîme de la transparence habite donc le livre entièrement, le calque en pose les problématiques les plus intéressantes. En effet, alors qu’on étudie les images imprimées, les prises de vues d’expositions glissées dans le calque remettent en contexte les œuvres. Comme pour nous rappeler que les œuvres étaient là, qu’elles ont été créées et exposées dans ce cadre-là. Nous l’aurons compris : à nouveau Stéphanie Saadé, en ancrant les œuvres en regard de leur espace d’exposition, souhaite recréer le souvenir de la manifestation, en plus de la focalisation sur les reproductions d’œuvres.

Au-delà du questionnement du souvenir et de la mémoire, nous trouvons cela très intéressant de mettre les œuvres en relation avec leur placement dans l’espace et avec la scénographie de l’exposition. Pour un curateur, cette question est très importante et apparait pourtant assez peu dans les catalogues d’expositions qui privilégient soit une vue de l’exposition : mais les œuvres y sont noyées et difficilement définissable à l’image, ne se laissent pas voir en tant que telles. Soit, les catalogues privilégie l’objet, l’image de l’œuvre et les sortent alors tout à fait de la scénographie, de la dynamique d’exposition. Ici, Stéphanie Saadé propose une solution tout à fait ingénieuse à cela grâce aux pochettes de calques, qui permettent une transparence, et permettent de retirer ou d’ajouter la vue d’exposition.

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Pays à l’Ouest

Nous pensons donc, qu’il aurait été judicieux de rajouter quelques textes critiques. Mais ce livre, pourtant, ne se veut pas catalogue d’exposition, il se veut ouvertement cahier d’écolier. Ainsi, n’est-il pas judicieux de croire que nous avons là, non pas un livre d’art, mais une œuvre à part entière de Stéphanie Saadé ? Ni catalogue d’exposition, ni compte-rendu de résidence, mais, en effet, un peu de tout cela pêle-mêle pour mieux mener une réflexion profonde sur les problématiques de souvenirs et de mémoires. Pourtant très intéressant d’un point de vue d’analyste car développant de vraies questions critique sur le processus de création, ainsi que sur l’édition de techniques d’exposition.

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Je ne connais pas du tout mais le processus de création est un sujet qui me parle particulièrement. Mais je pense manquer des choses car je n’ai pas vu l’exposition et ne connais pas Stéphanie Saadé.

    1. Son travail est intéressant, je crois que son site internet est bien fait d’ailleurs.

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