Je suis peu habituée à la poésie, je la grignote plus que je la dévore. Wislawa Szymborska a un don certain pour l’écriture, vous êtes emportés par les mots comme par une tempête, et enivrés comme par une brise de printemps. De manière absolument inattendu mais entièrement mérité, elle gagne le Prix Nobel de Littérature en 1996. Je participe ainsi au Challenge de Madame Lit mais aussi au Mois de l’Europe de l’Est d’Eva, Patrice et Goran.
Wislawa Szymborska, De la mort sans exagérer, poèmes 1957 – 2009, Gallimard, 2018, 313 pages.
J’ai été d’abord surprise de découvrir des poèmes parfois assez cocasses, dont certains vers sont comme des oisillons qui sauteraient de notes en notes… J’ai toujours le sentiment que la poésie à quelque chose de grave, qui ici, est très doux. Le temps passe, les amoures meurent, mais avec tendresse, sans jamais oublié l’impulsion de vie qu’il y a eut à un moment, quelque part.
L’espièglerie de certains poèmes m’amènent à me demander si ce texte serait adapté à des adolescents ? Pour les réconcilier avec une poésie souvent floue et alambiquée.
Ici, la plupart des textes sont encore très actuels et parlent de choses très réelles, certains avec un langage franchement simple.
Quelques odes à la Pologne se trouvent là bien évidemment, mais de manière générale le recueil oscille entre l’univers, presque onirique, de l’inconscient et des états de faits qui ont quelque chose de distant et de froid. Ce mélange, ces deux vitesses qui ne cessent de se succéder l’une à l’autre rendent la lecture particulièrement prenante. Je ne sais pas parler de poésie comme de littérature ou d’essais. Alors voici quelques extrait qui m’ont énormément plu :
EXTRAIT : « Moment à Troie » où des jeunes filles rêvent devant leur miroir :
« Si légères, qu’elles n’ignorent pas
que la beauté est un repos,
que la parole épouse la forme des lèvres,
et que leurs gestes se sculptent d’eux-mêmes,
sous une inspiration désinvolte.«
Ce que j’aime dans cet extrait c’est que c’est très imagé, on se figure très bien ces jeunes filles, et en même temps, le ton porte une forme de désillusion qui montre bien l’oeuvre du temps, le temps qui passe face à ces jeunes filles qui profitent de leurs instants de jeunesses. Je trouve ça très fort car tout est dit en très peu de vers.
EXTRAIT : « Le vin » première et dernière strophes :
« D’un regard il me fit plus belle,
et je pris cette beauté sans remord.
Heureuse, j’avalai une étoile.
[…]
Quand il ne me regarde plus
En vain je cherche mon reflet
sur le mur. Et je vois
qu’un clou, nu, et sans tableau.«
Je trouve ces extraits magnifique, vraiment très beau, il y a une puissance folle dans ces images, ça en est renversant. En trois bout de phrase, on ressent tout de suite cette jeune fille qui pétille, et quelques vers plus tard, nous voilà face à une image qui nous renvoi à rien, au vide. Au mur. Il y a vraiment une force dans les images que l’autrice emploi qui dépasse tout, qui se suffisent amplement à elles-mêmes, en plus d’être une élégance folle.
Ces images servent bien évidemment à parler du temps qui passe et à la réflexion autour de l’écrit et de poésie, comme beaucoup de poète Wislawa Szymorska traite de ces thèmes. Elle le fait avec brio et j’éprouve une énorme admiration pour ces textes, notamment sur le temps qui passe et la vieillesse car je les trouve remarquable. Mais je vous les laisse découvrir par vous-même, sinon je vais recopier le recueil entier.
Comme dernier extrait du recueil, j’ai choisi de vous présenter un poème entier. Je l’ai choisi pour justement illustré ce dont j’ai parlé en introduction : le langage abordable et dynamique, les thèmes très actuels et hypers accessibles.
POÈME : « Curriculum vitae«
« Que faut-il ?
Il faut écrire une requête
et joindre son curriculum vitae.
Quelle que soit la longueur de la vie,
le C.V. se doit d’être court.
On est prié d’être succinct et de trier les faits.
Transformer les paysages en adresses.
En souvenirs confus en dates sûres et certaines.
De toutes les amours, suffit le conjugal.
Et parmi les enfants, ceux qui sont nés vraiment.
Seuls ceux qui te connaissent, pas ceux que tu connais.
Voyages, si à l’étranger.
Appartenance à quoi, sans pourquoi.
Distinctions, sans à quel titre.
Écris comme si tu ne t’étais jamais
Adressé la parole,
et t’évitais plutôt.
Tu peux omettre chiens, chats, oiseaux,
souvenirs de pacotille, amis et rêves.
Prix plutôt que valeur,
Titre plutôt que teneur.
Pointure de chaussure plutôt que où il va,
celui pour qui tu passes.
Joindre une photo avec une oreille bien visible.
C’est sa forme qui compte, non pas ce qu’elle entend.
Et qu’entend-elle au juste ?
Le ronflement des machines à broyer du papier. »
Merci pour ces très beaux ces extraits…
Avec plaisir, ils n’étaient pas difficiles à trouver 😁
😀
Je trouve que tu parles très bien de poésie. Ce n’est pas un genre facile à chroniquer mais j’ai beaucoup aimé ce texte. J’ai envie d’en lire en ce moment alors merci pour ça. Les extraits sont effectivement très beaux. Titre noté pour le bilan!
Merci ! Oui l’exercice est difficile, alors je me suis laissée emportée ! Cela a été très difficile de choisir les extraits, alors je ne peux que t’encourager à lire le recueil en entier !
Alors là, c’est une découverte ! L’auteur, tout d’abord, m’était inconnue ; mais quel style. Je trouve le dernier poème « Curriculum Vitae » très beau et si juste dans le choix des mots. Félicitations 🙂
Ah je suis ravie de te faire découvrir quelque chose ! C’est rare ! 😀 Si tu as aimé le dernier poème, tu aimeras sans doute le recueil, c’est vrai qu’elle a une pertinence dans le choix des mots incroyables.