Le ministère de la culture a publié le 10 juillet 2020 une étude qui fait le bilan de la consommation culturelle des Français en 2018 par rapport aux décénies précédentes.
Philippe Lombardo, Loup Wolff, Cinquante ans de pratiques culturelles en France, Culture Etudes, 2020-2, 92 pages.

Je suis d’abord assez septique car le document débute, élogieux, sur la grande consommation culturelle des français qui consomment de plus en plus de… numérique. Alors c’est, certes, un fait mais c’est l’essor du numérique qui a engendrer la consommation de ce média, pas l’inverse !
Cependant, il est vrai que le numérique possède un rôle central dans l’évolution de la culture, en gommant la frontière entre habitants des grandes villes ou des campagnes, puisque les nouveaux médias sont accessibles presque partout. Ainsi la grande avancée culturelle auprès des jeune est : « l’écoute de musique en ligne, de la consultation quotidienne de vidéos en ligne, des réseaux sociaux ou encore des jeux vidéo. »
En revanche, les musées, spectacles et la lecture restent des pratiques suivies par les plus diplômés d’entre nous. Les grands gagnants de la culture sont (grands lecteurs, grands cinéphiles, amoureux des musées et du spectacle vivant) les vieillissants baby-boomers, dont l’âge, justement, va bientôt questionner les pratiques muséales (entre autres) et jouer sur la réception des publics.
Le premier tiers du rapport se consacre aux pratiques audiovisuelles et numériques, je le trouve assez peu pertinent. En effet, nous n’avons pas assez de recul. Les fameux baby-bommers et les générations vieillissantes se consacrent à la TV mais jouent peu aux jeux vidéos par exemple, c’est une question générationnelle. C’est pourquoi l’analyse est plutôt proche du blabla que de quelque chose de vraiment approfondi. Il est vrai que le monde des écrans ne s’est réellement développé que dans les années 1990. C’est également à cette période que la pratique de la lecture a beaucoup baissée.
Nous sommes rares m’sieur dame ! Les lecteurs assidus se font en effet rares au sein des générations nouvelles mais aussi des plus âgées. Encore une fois, les grands lecteurs sont les baby-boomers, et plus particulièrement les femmes, de même, si les inscriptions en bibliothèques se raréfient aussi, là encore les femmes sont les personnes qui fréquentent le plus ces lieux. A l’inverse, pour une fois, ce sont les jeunes qui sont le plus attirés par les bibliothèques mais cette tendance s’estompe rapidement au fil de l’âge.
Contre toute attente, « La fréquentation des salles de cinéma, des lieux de spectacle, des musées, des lieux d’exposition et des monuments connaît depuis plusieurs décennies une croissance importante. Autrefois attributs spécifiques de la jeunesse ou encore des milieux urbains éduqués, ces comportements ont été progressivement adoptés par une plus large part de la population. Ces évolutions ne sont pas sans lien avec le développement du tissu urbain au cours de ces décennies, le développement d’une offre culturelle à de nombreux endroits du territoire, ainsi qu’une mobilité accrue. »
Le cinéma, par exemple, qui était une pratique de jeunesse, est aujourd’hui pratiqué par de nombreuses tranches de la population (que ce soit de d’âge, sociale ou territoriale), avec une grande augmentation de spectateurs de 40 ans et plus. Car les jeunes qu’ils furent n’ont pas perdu cette habitude.
Pour le spectacle vivant, comme pour la lecture, la pratique s’épuise avec l’âge. Mais, contrairement à la lecture, a beaucoup plus de succès chez les jeunes. S’ils sont en effet plus nombreux à s’être rendus à un spectacle, ils sont moins assidus : les générations précédentes qui étaient moins nombreux à y aller s’y rendaient régulièrement.
On pourrait imaginer que cette fréquentation accrue viendrait des cours où les enseignants amènent bien volontiers leurs classes aux spectacles. Cependant, le monde du classique peut s’inquiéter car même chez les générations vieillissantes les spectacles de variétés ont la préférence.
L’étude s’intéresse également à la pratique culturelle en ligne et in situ pour un même type d’événement : ce qui est particulièrement intéressant après la crise que nous venons de subir.

Enfin, si l’étude est foisonnante, avec beaucoup de chiffres, elle reste extrêmement factuelle, ce qu’on demande certes à un rapport du ministère. Mais on aurait aimé prendre le temps de l’analyse, de la recherche réellement contextuelle.
D’autant plus, à l’heure où des associations (#NousToutes) ou des médias (Arte pour son enquête « Il est temps ») atteignent sans peine les 10 000 participations en moins d’une semaine, on pourrait se demander qu’à moins de 10 000 participations dont on a pas entendu parler, qui a été interrogé dans le cadre de cette étude…
Cependant, si je me méfies de la langue de bois et du manque d’analyse qui amène à faire ses propres investigations pour avoir des réponses claires, certaines données sont franchement encourageantes. Il faut maintenant que le ministère sache s’en emparer et aider les lieux culturels à mener une politique toujours plus inclusive et pluridisciplinaire :
« Près de quatre personnes sur dix déclarent une pratique artistique en 2018. Faire de la photographie, de la musique, de la danse, du théâtre, du dessin, de la peinture ou encore écrire (des poèmes, des nouvelles ou un roman) sont des activités pratiquées par quatre Français sur dix (39 %) âgés de 15 ans et plus en 2018. La pratique de ces activités s’est tendanciellement développée depuis les années 1970 et jusqu’en 2008 : près d’un tiers des 15 ans et plus déclaraient pratiquer l’une de ces activités au début des années 1970 et ils étaient 50 % à le faire en 2008. Ce recul est toutefois à considérer avec prudence, tant l’éventail des activités artistiques s’est diversifié, notamment avec le développement des pratiques numériques venant concurrencer celles observables dans les six éditions de l’enquête de 1973 à 2018. Un examen de ces activités révèle des évolutions contrastées : certaines deviennent moins courantes (en particulier la pratique musicale), pendant que d’autres se maintiennent (arts graphiques, théâtre, écriture) ou se développent (danse, photographie).«
Je l’ai déjà dit, mais ce qu’on entend le plus dans ce rapport est « olala les pratiques culturelles ont changés avec le numérique ! » Peut-être aurait-il été intéressant de prendre ça en compte en amont, au fil du questionnaire. Car finalement, le bilan entier se cache derrière cet état de fait pour soumettre toute conclusion.
Par exemple, la pratique de la musique chez les jeunes interrogés était courante dans les années 70 (on peut penser à l’arrivée du rock en France, alors bien établi mais toujours aussi in.) Désormais, l’engouement est peut-être le même mais, un instrument coûte très cher de même que l’équipement informatique propre aux musiques actuelles, en plus les crises se succèdent depuis les années 1990. Et enfin, avec la disparition de la population rurale, et l’émigration massive vers les grandes villes le niveau sonore de la musique dans un immeuble est franchement compliqué à gérer, et la location de studios de répétition est onéreuse.
Ainsi, les faits que relève cette étude sont intéressants mais ils force à se questionner : pourquoi ces pratiques diminuent-elles ou non, au-delà de l’aspect numérique qui est un début de réponse à ne jamais mettre de côté.
Enfin, une dizaine de pages de conclusion clôt ce dossier : on entend à nouveau parler du tout-numérique, d’un éclectisme augmenté (théorie intéressante, où, en gros, les esthètes ne se contentent pas de spectacles, musées et littératures mais jouent aussi aux jeux-vidéos, vont sur les réseaux sociaux etc. Ils ne pratiquent pas un art considéré plus noble qu’un autre) cela serait dû à la démocratisation culturelle, on conclue également sur la génération baby-boom qui a été longtemps dominante et qui pose des questions de pratiques différentes de la culture d’une génération à l’autre.
Enfin, ET SURTOUT, je vous invite à le lire et à me faire part de vos propres conclusions et pensées, c’est en accès libre et absolument gratuit : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Etudes-et-statistiques/Publications/Collections-de-synthese/Culture-etudes-2007-2020/Cinquante-ans-de-pratiques-culturelles-en-France-CE-2020-2
Je suis désolée, j’ai écrit tout ça un peu vite, le document mériterait une étude posée, une analyse plus longue, mais je suis tombée dessus le jour de sa publication et je n’ai pas résisté à l’envie d’en faire un article et de parcourir ce document, au moins une première fois. Au besoin et à l’envie, j’agrémenterai cet article de mes réflexions, à nouveau, n’hésitez pas à partager les vôtres !
Je trouve déjà ton article super instructif et intéressant pour mettre en avant les grandes lignes du document ainsi que ses limites.
C’est génial qu’il y ait une démocratisation culturelle mais m’interroge sur sa portée si l’étude considère que certains domaines comme les musées demeurent encore l’apanage des plus diplômés… Pour le cinéma, je pense que l’augmentation des tarifs joue un peu sur le changement de public même si le rôle des nouvelles pratiques numériques est bien là. J’y allais régulièrement ado mais avec les tarifs actuels, pas certaine que j’aurais pu le faire.
Merci pour ton retour hyper intéressant : il est vrai que ado j’ allais au cinéma trois fois par semaine et depuis des années à peine une fois par an à cause des prix…
Pour les musées, ils parlaient de publics diversifiés mais qu’en effet les plus friands étaient toujours les mêmes : il faudra que je relise ce passage pour me remettre les chiffres en tête.
Merci pour ton commentaire et tes réflexions. Ce que j’ai fait est peu exhaustif malheureusement, c’est incomplet, je parle surtout des choses qui m’ont questionnées.
Je suis rassurée que tu aies constaté cette hausse des tarifs de cinéma qui en plus instaure un déséquilibre entre les grandes villes et celles de taille plus modeste. Quand je me suis gavée de séances de ciné à Paris et à Lyon grâce à un abonnement illimité, je me retrouve à réfléchir à quel film vaut vraiment qu’on dépense autant pour aller le voir puisque les ciné de ma ville ne proposent aucune offre du genre.
Pour les musées, j’ai un peu l’impression qu’on reste dans une vision élitiste de la culture, ce qui pourrait expliquer que ce soit les plus diplômés et je pense les CSP+ qui les fréquentent le plus…
Quant à ton article, c’est justement le fait que tu aies sélectionné ce qui t’a parlé à toi qui le rend si intéressant 🙂 Cela permet d’ouvrir la réflexion bien plus que l’auraient fait de simples chiffres restitués tels quels.
Oui, si j’avais restitué tel quel ça aurait été indigeste 😂
J’ai connu le cinéma à 3€90 et il augmentait régulièrement (un peu comme les paquets de cigarettes) ça a été psychologique, à plus de 5€ j’ai arrêter d’y aller.
Le plus proche cinéma de chez moi propose des places à plus de 10€ tarif normal…
Je crois à la démocratisation culturelle, de travailler à la médiation, mais c’est vrai qu’il faut étudier ce que les publics veulent et réfléchir à comment montrer les choses, à innover.
Je garde le lien sous le coude, mais je ne suis pas certain d’aller lire, car comme tu le dis si bien, dans ce genre de rapport il n’y a bien souvent aucune analyse, on a même parfois l’impression que ce type de rapport est rédigé par un stagiaire (et même pas un bon). En tout cas ton compte-rendu est très intéressant. Et puis j’apprends qu’aller sur les réseaux sociaux est considéré comme une activité culturelle. Bigre !
Au moins cela permet de faire ses propres analyses, mais je pense qu’en effet cette étude a pas mal de limites.
Je ne suis pas sûre que les réseaux sociaux soient considéré comme culture (à vérifier !) mais Netflix, YouTube, Disney +, Spotify et tous les autres sont considérés comme de la culture, au même titre que l’étude considère que regarder Hanouna fait partie de la culture par exemple.
Personnellement, je ne considère pas non plus que je me cultive quand regarde desperate housewifes pour la 3ème fois 🤣
Ha mais j’adore desperate housewifes 🙂
J’adore ! Mais je ne considère pas que je me cultive 😉
Quand le plombier est mort, j’étais tout triste snif snif
Je l’aime pas Mike, je le trouve benêt à souhait, en revanche, très triste de la mort de Karl qui coupe sous le pied une belle histoire d’amour pour Bree.
🙂