Quand Dieu était femme – Stone

Je vous présente un très beau livre, enrichissant, extrêmement documenté, très travaillé. Un plaisir de lecture et de découvertes. Un livre qui permet de repenser le monde, et de le repenser de manière juste. Loin de réécrire l’Histoire, l’autrice la rétablie : merci Etoile31 pour cette découverte !

Merlin Stone, Quand Dieu était une femme, L’Etincelle, 1990, première édition 1976, 350 pages.

En ouvrant le livre, j’ai d’abord était surprise par le « je » très présent, des expériences de vie, qui donnent un côté romancé, biographique, mémoriel, à cet essai plus qu’intéressant, mais qui m’a d’abord déstabilisé au début de ma lecture. Très vite, on comprend ce choix : malgré le nombres faramineux d’informations et les recherches poussées, l’autrice a souhaité que ce livre soit grandement accessible et c’est là qui ajoute encore à la qualité de l’ouvrage.

J’ai, en effet, beaucoup admiré sa manière d’écrire, de raconter les choses. Elle entre dans le cœur du sujet sans universitarisme verbeux. Elle ne s’alourdit pas de grandes phrases, et elle exprime avec une simplicité désarmante des concepts qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous. Elle décrit avec une franchise tendre, simple, nos carcans sociologiques : son livre est limpide et se lit comme un roman tant il est bien écrit (bien et simple ! c’est rare pourtant !) mais tout en abordant des problématiques réputées complexes à appréhender car très éloignées de nous. Finalement, ce qui m’a surprise au début (ce côté autobiographique) a peut-être aidé.

L’étude de la déconstruction des premières religions par des peuples indo-aryens est passionnante, je vous laisse juste avec cette idée qui est développée part des chapitres entiers mais qui est séduisante : « Ainsi, ces envahisseurs patriarcaux qui professent l’infériorité des femmes, sont peut-être également responsables des premières attitudes racistes. » page 125

Merlin Stone détaille un brassage des cultures à travers les siècles de manière fine et extrêmement détaillée. Sans jamais être docte ou verbeuse, les informations sont vraiment très nombreuses. On ose à peine imaginer le nombre de recherche qu’il aura fallut mener pour constituer un ouvrage de cet ampleur, qui analyse ces brassages et invasions. On découvre les évolutions des langues, les apports de l’écritures, les mythologies qui s’entrecroisent et s’enlacent.

J’avoue avoir une connaissance religieuse qu’on peut facilement qualifiée de pauvre. Mais j’ai trouvé fascinant ces confrontations de mythes, les difficultés à retracer l’histoire, ce qui a été inspiré de faits réels. Comme, par exemple, le fait de chercher quelle est la ville dont il est question dans les textes. Les questions sur l’origine même des religions, pourtant si importantes dans notre société laïque, demeurent nombreuses.
L’autrice propose des thèses fascinantes qui nous font reconsidérer les mythologies et ce qu’on sait des sociétés grecques et romaines. Difficile de faire la part des choses avec les textes qui sont parvenus à nous, et qui étaient sans doute des textes de propagandes. Il est totalement glaçant de voir le glissement qui s’est fait entre la religion de la Déesse, dans laquelle les femmes étaient libres, et, peu à peu, les changements sociétaux qui ont été faits, violemment pour la plupart. En effet, pour changer les mœurs, les religieux n’y sont pas allé de main morte, perpétrant les assassinats sous couvert de nouvelles lois.
Vers la fin, il y a un long passage fascinant au sujet de la construction du mythe d’Adam et Eve. Je tiens à le souligner, car il est remarquable et, pour une fois, offre des réponses quant à la constitution de mythe religieux.

Un livre très bien écrit et articulé. Super érudit et complexe mais pas besoin d’un Master pour le comprendre. Il se lit comme une histoire tant il est bien pensé et clair.

Bien évidemment, on ne peut parler de mythologies de Déesses Mères sans parler d’Inanna comme l’a fait Barmak dans Jouir, un livre lui a même été consacré par Bottéro. Je vous invite à vous fasciner pour cette figure mythologique et religieuse qui n’est pas encore totalement parvenue jusqu’à nous, mais qui est indéniablement un des piliers de notre civilisation, au contraire de ce qu’on imagine (un grand barbu perché sur un nuage par exemple.)
Si vous me permettez de plaisanter un peu, Merlin Stone dépeint une carrière religieuse qui semblait plus intéressante que celle qui nous est proposée aujourd’hui. Pour les femmes, en tout cas, résidentes de somptueux temples, pratiquant l’amour pluriel, possédant les troupeaux et l’or… Cela paraissait ma fois, une position très enviable : le beurre, l’argent du beurre et les sourires des crémiers !

Au milieu de notre lecture, pour notre plus grand plaisir, l’histoire de l’art s’en mêle avec des reproductions de vases, statuettes et divers objets.

On referme ce livre avec une folle envie de lire Marylène Patou-Mathis : ici sur France Culture et elle n’est pas la seule à le penser, même si les idées patriarcales anachroniques ont la peau dure !

Le livre s’achève avec une note d’espoir et de soulagement : le féminisme est là !

11 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Goran dit :

    Et bien, je t’ai rarement vu/lu aussi enthousiaste…

    1. Toi qui cherchait de bonnes références sur l’écoféminisme ! En voilà une ! Bon, ce n’est pas « directement » écoféministe, mais les écoféministes travaillent et réfléchissent sur ces question là également, et certaines reviennent à ces croyances là.

      1. Goran dit :

        Je notes pour plus tard, j’attends de voir ce que va donner ma première lecture…

  2. etoile31 dit :

    Bonjour! Quel honneur d’être cité en exergue de ton article, c’est comme un événement pour moi. Commencer à par dire à celles et ceux qui le souhaite, je peux transmettre cet ouvrage librement en format .pdf.
    Dire que beaucoup de choses en complément de cet ouvrage et à ce sujet des origines et de l’humanité sont disponibles et très aisément accessibles. Je ne parle là que d’ouvrages et d’études scientifiques, q’elle-il-s soient tant archéologiques, qu’historiques et/ou sociologiques, poétiques, artistiques, l(très rarement philosophiques et/ou intellectuelles!!!). Je citerai pêle-mêle: Fernand Braudel, Samuel Noah Kramer, Pierre Louÿs, Heinrich Schliemann.
    Il est fascinant de constater à quel point de par sa socialisation, lors de ses phases de sédentarisations en différents continents et quasi simultanément a généré des récits, des légendes des histoires permettant de structurer et de fixer la socialisation. Ce sont là les origines et les fondations des civilisations antiques qui par nécessité d’organiser différentes formes et fonctions de pouvoirs ont inventé de toutes pièces Déesses et Dieux jusqu’à un Dieu Unique masculiniste et doté de tous les pouvoirs… Un simple transfert de la reconnaissance de la fécondité féminine à une abstraction masculiniste et patriarcale.
    L’essentiel des sociétés antiques aura constituer à faire en sorte de dissoudre l’identité humaine et la relation au Monde de l’individu dans un magma de foutaises et de fadaises pour permettre la domination par une poignée sur la masse grandissante et croissante des individus pour s’en assurer le contrôle et la perpétuelle servilité. On connait la suite! On voit le résultat produit par l’intention initiale!
    Au passage, la découverte des archétypes à ce sujet est plus édifiante et bouleversante encore! Un gisement de Merveilles, un Trésor Pur!

    Merci encore pour cette opportunité de lectures et d’écoutes.

    1. Avec plaisir, c’est bien normal que je te cité.

      Oui, le livre et le sujet sont passionnants, heureusement on commence à voir, comme tu dis, de plus en plus de choses par rapport à ça. Il était temps ! En tout cas c’est une lecture aussi bien feelgood qu’instructive et cela fait du bien !

  3. Un livre qui va m’intéresser c’est sur !

    1. Je le conseille fortement oui ! Je suis sûre que tu y trouveras ton compte !

  4. Bibliofeel dit :

    Passionnante chronique qui donne vraiment envie d’en savoir plus. Le titre est provocateur comme j’aime !

    1. Le titre est super ! C’est vrai, tout comme le contenu, il bouscule un peu en effet !

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