Sexus – Miller

J’ai entendu parler du Sexus d’Henry Miller grâce aux journaux d’Anaïs Nin que j’ai lu il y a bien longtemps. Je me rappelle qu’à cette époque j’aimais trainer dans l’enfer d’une librairie d’occasion dont le libraire était tout à fait à mon goût. La situation, bien qu’il ne se passa jamais rien, et les rêveries d’adulescentes que j’en faisais auraient plu sans aucun doute a Nin et Miller. Ainsi, ce livre est pour ceux qui aime les mots crus de la Beat Génération, pour les rêveurs littéraires qui se noient dans l’addiction comme Bukowski, pour l’objectivation des femmes de Roth. Ce livre renferme de folles soirées, en passant par l’érotisme, où on fréquente le tout New York, mille visages, et des scènes pornos. C’est l’histoire d’un homme qui ne sait s’il se perd en amour ou en stupre.
En effet, il tombe amoureux de chaque femme au premier coup d’œil, et, empoté et aveugle comme une chauve-souris qui doit se servir de ses autres sens, il ne sait l’exprimer que part le sexe.

Henri Miller, Sexus, Bychet/Chastel, 1970, 666 pages.

Tout de suite, on est emporté par l’écriture brute de décoffrage, incisive et onirique. On est plongé dans l’ambiance de la nuit, des bars, des strip-clubs et de la prostitution, le tout depuis le regard d’un drogué. On adhère ou pas mais c’est un style que j’affectionne. Le premier chapitre n’est pas fini que, couvert de stupre, le lecteur glisse dans le thriller avec délice. Tout réside dans cette ambiance particulière née du style.
Poétique crue et maîtrise stylistique incisive, la lecture est un plaisir. Les mots volent en éclat, tantôt ironiques ou glaçant, tantôt carrément esthétiques. Une poétique de mots bruts et un beau sens de la formule qui rendent la lecture agréable et rapide.
Les femmes au sujet desquelles il écrit passent dans sa vie comme des fantômes. Laissant de leur ectoplasme sur ses lèvres avides de cyprine.

Ce bouquin a déjà 70 ans, et on ne peut que remarquer les changements du monde depuis. Il y a un côté très désuet auquel on ne s’attend pas forcément en ouvrant un ouvrage « moderne » qui parle de fête et d’alcool. Mais en plus de cet éloignement générationnel, on voit réellement le monde renversé :
« il représentait à mes yeux l’Europe, son influence adoucissante et civilisatrice. Nous passions des heures à parler de cet autre monde où l’art avait une forme de rapport avec la vie, où l’on avait le doit de s’asseoir tranquillement en public pour regarder passer le cortège de la vie et penser à ses propres pensées. Me serait-il jamais donné d’y aller ? Ne serait-il pas trop tard ?« 

Henri Miller se dépeint comme quelqu’un d’impavide, d’odieux, d’imbuvable. Il se cache derrière un humour caustique, irascible, pour se représenter, pour parler de lui. Il se caricature et se balafre pour se donner le droit de dire « je ». Alcoolique et coureur de jupons comme ses amis, il ne rechigne ni aux agressions sexuelles, ni à pousser au suicide, ni à s’outrer lorsqu’on rechigne a lui donner de l’argent qu’il réclame régulièrement a ses proches. Vicieux, il se complet à être vicié, a s’émerveiller du monde en se mettant dans des situations improbables.
On a tous un ami comme ça que, passé une certaine heure, qu’il ne faut plus quitter des yeux, sous peine de le retrouver 12h plus tard narrant de folles histoires décousues remplies d’inconnus qui l’ont traîné dans des endroits improbables. Si vous n’avez pas un ou deux amis comme ça, demandez vous si vous n’êtes pas l’un de cette espèce, à laquelle appartient indéniablement Miller.

Ainsi, il évolue aux milieu de femmes libres à qui il ne pense qu’à la mettre, et d’artistes ratés qu’il se fait un plaisir de rabaisser. Lui même démonte sans cesse sa propre condition minable, mais il le fait si bien qu’il en est passionnant, l’art de se venter sans en avoir l’air, et c’est ce que lui dira brillamment un de ses amis dans les premiers chapitres. Je ne sais qu’en penser tant ça a vieilli, mais pas si mal que ça.
Ne nous sont pas épargnées non plus des scènes de mondanités où les personnages désargentés dans la force de l’âge se sentent comme des poissons dans l’eau. Comme notre narrateur, quoi qu’il en dise.

Pour compléter le tout, rappelant le vieillissement de ces pages et fatiguant le lecteur, le texte est saupoudrer de racisme et de machisme. Mais que voulez-vous ? Nous sommes aux Etats Unis dans les années 50. C’est d’un réalisme rafraîchissant.

Une violente envie de vivre, de fête et d’amoures libres, mais qui traîne en longueur, tout de même ! 666 pages !
Surtout qu’il aurait pu se terminer dix fois au fil des événements rocambolesques, et fini en queue de poisson dans une sorte d’hallucination étrange. Finalement, qui sied bien à la langue hallucinée du roman et à l’étrangeté des situation, mais qui, pourtant, dénote du reste, car jusqu’alors ne nous étaient pas contés les rêves du narrateur.

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