Seeing Yourself – Borzello

Le livre a trainé longtemps dans ma PAL, si bien qu’il est désormais traduit en français et je vous le conseille ! En français il possède le nom poétique « Femmes au miroir. »

Frances Borzello, Seeing Yourself, Women’s self-portrait, Thames and Hudson, 2018, 272 pages.

Le livre commence par une présentation de l’autoportrait, qui recontextualise loin de la thématique des artistes femmes. Pas seulement une lubie égocentrique, l’autoportrait se destine à montrer ce qu’il y a derrière un visage, mais aussi à s’entraîner ou montrer leurs capacités.
Très vite, l’autrice montre que dans les autoportraits des artistes hommes et des artistes femmes se cache une différence : c’est dans cette brèche que s’engouffre la problématique de ce livre, de cette belle recherche aux sublimes reproductions.

Les femmes ont été oubliées, non mentionnées, dans l’histoire de l’autoportrait, comme dans l’Histoire de l’art en général. Ainsi, pendant des siècles, elles n’ont pas été mentionnées, pas qu’elle n’étaient pas là c’est qu’elles furent invisibilisés.
Il fut un temps où l’autoportrait de femmes était mal vu : puisque la femme était déjà critiquée pour sa soi-disant vanité, représentée devant son miroir, l’autoportrait aurait été l’apogée de cet égocentrisme. Ainsi, l’autoportrait d’un homme pouvait effectivement prouver une technique artistique mais l’autoportrait d’une femme montrait seulement l’égocentrisme et la vanité. D’autant plus, dans le régime patriarcal, la femme se donnait pour sa famille et ne passait qu’en second. C’est pourquoi il était impensable qu’une femme se mette en scène, au premier temps, ainsi.

Il faut compter que les mécènes et acheteurs se tournaient vers les hommes et que les filles talentueuses aidaient leur père a produire. Elèves ou filles, mais rarement ayant leur nom mis en valeur. Il y avait ainsi un double challenge pour une femme qui se représente : d’abord, prouver sa maîtrise artistique, ensuite, le faire de la manière la plus noble et la plus pure possible. Pour être respectées, regardées, elles étaient obligées de se montrer sous certaines postures ou tenue. Il fallait être irréprochable dans son apparence jusque dans son art.
Nécessairement aidées par la famille, au XVIIème siècle alors que commençaient à être reconnues les femmes artistes, leur représentation devait être sage et soigné pour ne pas jeter l’opprobre sur leur famille. Elles peignaient alors ce qu’on attendait d’elle : se représentant sagement en train de peindre, de se regarder dans un miroir ou au milieu des fleurs. Restant ainsi dans le cadre imposé avec le miroir renvoyant l’image de la femme vaniteuse. Elles se représentaient également en compagnie de leur famille, ce qui était bien perçu, la femme étant – c’est bien connu – fille ou mère.

Au XVIIIème siècle, Élisabeth Vigée Le Brun a utilisé l’autoportrait en contre pied de cela : pour critiquer les corsets et les coiffures, elle cherche à changer la mode. À cette période, la France rend populaire le travail des artistes femmes en les représentants avec leurs étudiantes.
Au XIXe siècle l’autoportrait de femmes devient plus intime : il signifie réellement quelque chose sur les liens qui unissent les personnes représentées avec elles, elles se mettent plus volontiers en scène et dévoilent leur intérieur.
Ainsi au XIXe, il est facile de découvrir des peintres femmes, mais elles étaient toujours traitées « en dessous » de leurs homologues masculins qui ne prirent pas la peine de leur faire une place dans l’histoire. A l’image des bas bleus en littérature, par exemple, il n’est pas rare de trouver des professionnelles des arts et de la littérature au XIXe siècle que les historiens n’ont pas accepté de compter comme égales. Il est vrai qu’à ces périodes, les enseignants faisaient une grosse distinction entre leurs élèves masculins et féminins. N’offrant pas les mêmes perspectives aux artistes femmes, rabaissées sans cesse.
C’est au XXème siècle seulement que l’histoire retiendra les femmes artistes. Les femmes devenant libres et indépendantes, envoyant valdinguer les vieilles conventions.


Enfin, pour conclure et vous convaincre de cet achat : le livre est très bien documenté, possède de très belles reproductions.
Ainsi, dans ce livre, chacun peut admirer son plaisir : tous les siècles passés en revues offrent des reproductions d’œuvres réellement sublimes de chaque mouvement artistique depuis 4 siècles. C’est un délice !
Vraiment c’est beau, c’est intéressant, c’est intelligent !


Le livre s’achève sur un long chapitre, une envolée qui, bien évidemment me plaît beaucoup : l’impact du féminisme sur l’art des femmes !

Enfin, l’autrice, en conclusion, remarque que, pour les femmes, il n’a pas été simple de s’asseoir et de se mettre à se peindre à se représenter. Être soi, laisser libre court à sa créativité, son talent, mais consciente que ce n’était pas là ce qu’on attendait d’une femme, devoir composer avec toutes ces contradictions.
Aujourd’hui, les femmes artistes ayant plus de reconnaissance et multipliant les jeux de miroirs, détournant les autoportraits traditionnels, jouant des codes, se jouant de leur sexe et de la sexualité en général, il est génial de voir tant de nouvelles choses et nouvelles possibilités en art portées plus uniquement par les hommes.

Peu connue et ne figurant donc pas dans cet essai, je vous propose, pour terminer la méditation à ce sujet qui termine le livre :
Cristina Essellebée une artiste qui travaille le sujet du reflet, particulièrement là où on en m’attend pas.

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Je note puisqu’il existe en français, une thématique qui m’intéresse particulièrement !

    1. Je te le conseille ! Il est vraiment bien fait. J’ai vu l’exposition femme peintre au musée du Luxembourg, la thématique s’y apparente.

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