Je ne m’attendais pas à grand chose de la part de ce livre. Romain Gary, je ne le connaissais que de nom et les autobiographies ne sont généralement pas ma passion. Pourtant, il trainait dans l’étagère depuis un moment maintenant.
Romain Gary, La promesse de l’aube, Folio, 1973, 390 pages.
D’abord, quelque chose qui n’a rien à voir avec le contenu du livre, mais une remarque : nos livres de poche, c’est vraiment de la camelote. Celui-ci, imprimé en 2007 est jaunit, les lettres s’effacent, il m’a fait l’effet des livres d’occasion des brocantes ou des livres que je chinais dans les bibliothèques familiales. Pourtant, je n’aurais pas pensé que 2007 soit aussi loin que 1970 l’était en 2007 ! Enfin, cette étrange introduction pour signifier qu’en bibliophile, en espèce de collectionneuse de livres, sachant très bien la vanité de son entreprise, ce constat me plonge dans une certaine morosité.
Enfin, pour en arriver à ce cher Romain dont je n’attendais rien, j’ai d’abord découvert une plume sublime! J’ai beaucoup aimé cette écriture précise, érudite, aux tournures tout simplement superbes !
Dès les premières pages (si on oubli l’incipit du gars s’abandonnant sur une plage) cela m’a parlé. Romain est alors jeune, beau, fringuant, et sa mère lui met la honte. Mais, c’est tout à fait légitime qu’il l’envoie balader tant elle en fait des tonnes. Mais justement, elle en fait des tonnes pour prouver son amour. Et quand il lui reproche justement d’en faire des tonnes : elle se met à pleurer. C’est extrêmement bien écrit, bien mieux qu’ici bien sûr, mais cette situation vous l’avez connu, en tout cas moi oui, vous la vivez peut-être encore aujourd’hui même !
Tout ça pour dire que, ça y est, en deux pages, je m’étais déjà identifiée au personnage du roman !
Et, de cette écriture sublime, Romain Gary retrace son enfance, la route cahoteuse de l’Europe de l’Est à la France sublimée qui habite les songes de sa mère. Le livre parle aussi bien de lui, de la naissance de son talent, mais surtout de sa mère, a qui, peut-être un peu, il doit ce talent. Il lui doit beaucoup, et ce livre est un hommage aussi bien qu’un règlement de compte à ce personnage exubérante qu’était sa mère. Une mère fauve prête à tout pour offrir à son fils une destinée qu’elle juge à sa hauteur, mais aussi une mère avec un franc côté Tante Mame qui nous régale, qui transforme certaines vies en roman, comme c’est le cas ici.
La mère de Romain Gary était un personnage de roman à part entière, à elle seule. Tour à tour muse, attachée de presse, agent d’artiste et première fane de son fils, elle était débordante d’énergie, de passion, elle était frémissante. Il lui devait bien le premier rôle de son autobiographie.
Souvenirs d’enfants romantisés (je fais un néologisme, mais on est bien au-delà du classique romancé.)
C’est autant l’histoire de Romain Gary que de sa mère, une femme passionnée, une femme qui fut bien réelle mais dont le sang palpite aussi furieusement que celui d’une Emma ou d’une Anna. Cependant, cette passion bouillonnante n’est pas amoureuse, elle est furieusement tournée vers le petit garçon qu’elle compte bien transformer en homme – un homme tel qu’elle le conçoit, un homme tel que la jeune fille qu’elle fut en serait immédiatement tombé amoureuse.
Moi qui ne m’attendait à rien en ouvrant ce livre, sauf, peut-être, à m’ennuyer, je me suis régalée. J’ai trouvé un livre poignant et très riche. Romain Gary partage aussi avec ses lecteurs, en plus de l’amour, la guerre. Ainsi, le récit de la guerre est plutôt humble, écrit avec douceur dans l’horreur, parfois sous forme d’hommages à ses camarades anonymes si ce n’était dans son esprit et morts pour nos libertés.
Un exemple :
« [après une liste des noms de ses amis, stipulant le lieu en guerre où ils ont trouvé la mort : ] bien que nous soyons aujourd’hui presque tous morts, notre gaité demeure et nous nous retrouvons souvent tous vivants dans le regard des jeunes gens autour de nous. »
Il est très rares qu’un roman me laisse les yeux miroitants, eh bien, ce fut le cas. Quel beau livre ! D’autant plus troublant et fort que je ne m’y attendais pas !
Je suis ravi de ta chronique, bien écrite et originale, sur un livre que je place dans les monuments de la littérature. J’aime le titre et quand on a lu Gary difficile d’affirmer que la vie n’offre pas de promesses. Bon dimanche !
Un monument de la littérature : tout à fait ! Bonne semaine !
Je ne suis pas non plus une grande lectrice d’autobiographie mais ta description de la plume de l’auteur attire l’amatrice des belles plumes en moi et l’ambivalence d’une mère à poigne en même temps que terriblement aimante a l’air d’être particulièrement retranscrite.
Oui, oui, oui ! Et mille fois oui ! Je compte réitérer très vite 🙂
Ah oui ! C’est exactement comme ça et en mieux ! C’est vraiment un énorme coup de cœur inattendu, je te souhaite de le découvrir bientôt et de l’apprécier tout autant que moi 🙂
Merci !
Romain Gary, je suis fan, amoureuse de son écriture ! Il ne me déçoit jamais. J’espère que cette belle expérience t’aura donné envie de le connaître davantage.
Oui, oui, oui ! Et mille fois oui ! Je compte réitérer très vite 🙂
Entièrement d’accord avec toi sur ce magnifique roman ! Je l’ai adoré et je suis sûre de le relire un jour ou l’autre avec le même plaisir. Il m’avait fait rire et beaucoup émue en même temps.
Exactement ! Très dense et plein de sensations !