C’est un livre contenant énormément de références espagnoles, qui ont l’air tout à fait intéressantes et pertinentes pour comprendre le sujet, mais qui malheureusement, n’ont jamais été traduites en français (El peso de la paja et Redada de violetas.)
Alberto Mira, Cronica de un devenir, Editorial Egales, 2011, 350 pages.

Alberto Mira nous propose un essai quasi autobiographique au sujet de la culture LGBT+ sur fond de franquisme. Ainsi, il déroule son adolescence : il explique ce qu’être un adolescent dans le placard, il parle de la société homosexuelle en Espagne après le franquisme. Comment se construire, quand on réalise qu’on est différent, quand on n’ose pas parler, quand on ne possède aucune référence ? C’est alors qu’Alberto Mira a rencontré l’art, d’abord par le cinéma, et puis beaucoup plus tard par les auteurs des citations qui ponctuent ce livre et qui sont inconnus en France. Il a pu ainsi créer une identité, se comprendre, se découvrir. Ce livre donne une bonne idée de la manière dont pouvait évoluer un adolescent gay en Espagne à cette époque.
Il parle aussi de se réapproprier la parole, c’est d’ailleurs sur cette idée que s’ouvre le livre, mais il l’exploite plus amplement plus tard. Ainsi, il était important de s’approprier le mot gay, de ne pas avoir peur du mot homosexuel, de donner de la visibilité : de dire qu’il existe.
Professeur à la Oxford Brookes University, Alberto Mira est spécialisé dans le cinéma : entre autobiographie, ou plutôt partage d’expérience, et recherche cinématographique et socioculturelle du mouvement gay des années 70 en Espagne.
Il relate l’Histoire du mouvement gay – en général et plus précisément en Espagne – avec le SIDA, les grandes manifestations à Valence pour les droits gay, ensuite il parle du terme queer. Dépassant le concept gay. Il parle du discours social et politique mondial très hétérocentré, très normatif, et fait référence, en littérature, aux travaux d’Eve Kosofsky Sedgwick qui étudie les œuvres d’Henry James, Herman Melville et Marcel Proust. (autre référence à noter précieusement !)
Au sujet du queer, ou des LGBTQUIA+, il parle de la catégorisation des personnes, des nouvelles cases, volontaires en regard des cases involontaire qu’il a fallut se réapproprier (voir terminologies du début du livre). Il parle aussi du culte de la jeunesse, de Call me by your name, de Lolita… de cette masse d’œuvres qui peuvent réellement poser soucis mais aussi amener à se questionner, et qu’il faut également questionner. Regarder une œuvre et se regarder soi. Il parle de métrosexualisme et de la pornographication du corps jeune. Il n’y fait pas allusion mais cela m’a beaucoup fait penser aux photographies de Larry Clark.
Rebondissant sur l’idée de jeunesse, il termine très justement cet essai avec le sujet des réseaux sociaux, ce qu’être gay et queer aujourd’hui (en opposition avec la période post-franquisme qui ouvre le livre), et l’image que cela projette, notamment sur internet. C’est justement très parlant, prenant et intéressant, cette opposition d’époque et cette analyse. Il critique à nouveau la « compartimentation » au lieu de la convergence « des luttes » au sein – pourtant – d’un même mouvement LGBT ou même gay. Là où lui avait justement souffert d’enfermement et de ne pouvoir s’identifier à personne, où il souhaitait se sentir moins unique, moins freak, maintenant on semble chercher s’enfermer plus dans des cases spécifiques pour s’exprimer. Avant il n’y avait ni mot, ni image, maintenant il y a peut-être trop de mots, trop images.