Le Livre des reines – Haddah

Voici un article survolté, plus long que ce à quoi vous êtes habitués sur le Bar aux Lettres ! Attention, énorme coup de cœur.

Joumana Haddad, Le livre des reines, Acte Sud, 2021, 272 pages.

Bon sang ! Comment parle-t-on d’un tel chef d’œuvre ? Faut-il même oser en parler ? Un chef-d’œuvre si horrible ? Qui n’a de terrifiant que la réalité qu’il représente. Il n’est pas trop de quatre destins de femmes pour survivre à tout ça. Même comment est-il possible qu’elles aient survécu à tout ça ? Ce livre est un livre d’histoire fondé sur les horreurs perpétrées au Moyen-Orient. On commence avec le génocide arménien et on termine avec Daesh. Les populations auxquelles appartiennent ces quatre destins, au fil d’un siècle, ne cessent de faire des allés et retours incessants entre des territoires, des langues… Des histoires de haines qui s’enchaînent, des choix que l’on fait, des mauvais choix, par amour, par abandon, pour protéger, pour se protéger… Car oui, ce livre parle des guerres mais il parle de quatre femmes qui les affrontent.
Des femmes qui possèdent des mères, des grands-mères, des frères, des sœurs, des enfants… Qu’elles chérissent, qu’elles tentent de protéger, de ménager… Elles tentent par tous les moyens de s’arranger avec leur destin, leur vie, de porter seules leur fardeau, de délester ceux portés par leur famille… Mais rien n’y fait, en ne voulant jamais commettre les mêmes erreurs que les autres, elles en font quand même. Et au milieu de ces vies amoureuses, familiales, amicales, des problèmes d’argent… Il y a ces guerres… Qui s’enchaînent, qui les chassent de leurs maisons, de leurs villes, de leur pays, qui déciment leurs familles.

C’est un roman extrêmement éprouvant et bien écrit : pas de pathos, heureusement, mais une réalité implacable aussi dure que les mots étrangement beaux mais sans emphases qui permettent de digérer les dires, pas de faux larmoyant ici. Bien que la lecture ne soit pas de tout repos, je pense qu’il a été, s’autant plus, particulièrement éprouvant à écrire, c’est pourquoi il faut aller à l’essentiel, dire. Transmettre. Ici par des générations de femmes, romancées, peut-être, accablantes, sans aucun doute.

C’est une œuvre qui ne se lâche pas, un tourbillon de guerres, d’horreur, de mutilations, de viols, qui n’en fini pas, un cercle de la violence qui est inscrite au plus profond de l’Histoire du monde. Les humains, finalement, ne sont-ils pas tout simplement une espèce sanguinaire ?

Pour en savoir plus sur ce livre
… Mais surtout sur un autre livre, et l’univers retentissant de l’autrice, que je pense, je ne vais pas tarder de découvrir en entier, tant ce livre m’a plu !

On oubli souvent la détresse du monde, pourtant, nous n’y sommes pas toujours étranger. Ca me tue qu’on réussisse à ce que d’autres humains, de siècle siècle, avec qui on partage l’Histoire du monde, nous paraissent aussi loin. Joumana Haddad le dit en postface : on ne réalise plus que ce sont des vies, des humaines, ce sont « des pertes », quand on compte des vies en milliers on ne sait plus ce que c’est.

Petite parenthèse artistique sur le même thème, au sujet d’une œuvre que j’aime immensément (et que vous reconnaîtrez peut-être si vous avez lu la Revue du Printemps 2022). Pour parler de l’horreur, que l’art comme la littérature, aide à dévoiler sans pathos. Mais qui montrent qu’il serait temps et nécessaire de comprendre que l’humanité est un tout. On recommence à se sentir plus proche, à se reconnecter, de la nature mais on reste loin de tout une partie de nous, de l’humanité.

​​​​​​​Rescuers remove a baby from the rubble of a destroyed building in the al-Kalasa neighborhood, 28 April, 2016 & In my father’s arms, 2018.

Ameer Al Halbi est le pseudonyme d’un reporter de guerre syrien, originaire d’Alep, réfugié en France. Depuis 2013, il témoigne de ce que subit la population d’Alep et ses proches, il documente. Ses photos sont reprises par l’AFP, et il a reçu plusieurs prix internationaux dont le prix Polka du photographe de l’année en 2016, le prix World Press Photo of the Year l’année suivante ainsi que le Poy Award of excellence la même année.
En 2018, il collabore avec Livia Filgate et le collectif FlowerSisters pour travailler sur une de ses photos issues de la séries “rescued from the rubble” dont certaines sont proprement insoutenables : un peu d’espoir, peut-être, est-il permis. Il ne faut pas oublier de voir la vie derrière l’horreur.

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