De ce livre, je garde un souvenir emprunt d’une fatalité certaine. Il montre sans dire, tout en détails, en finesse, poignants et tranchants comme des couteaux, le destin des femmes indiennes, même des plus riches.
Pour voir le sujet montrer avec plus de contemporanéité, je vous conseille également l’excellente série Bombay Begums.
R. K. Narayan, Dans la chambre obscure, Zulma, XXe, 192 pages.
C’est un livre qui se lit aussi vite qu’il donne une claque. C’est un grand wow en refermant ce livre qui nous secoue.
Tout prend place dans un phrasé qui met à l’honneur la poétique de la vie quotidienne, dans une stylistique qui laisse l’angoisse nous prendre à la gorge au fil des pages, qui noue notre ventre au fil qu’on avance dans l’histoire. Au début, cela n’a l’air de rien, la description de longues après-midi, du temps qui passe, des choses à faire et refaire chaque jour, du travail de femme au foyer…
Savitri a tout donné pour sa famille et son mari, son énergie, son temps, sa jeunesse. Sa vie entière est entièrement dédiée à sa préoccupation envers ses enfants : sa vie est millimétrée autour d’eux, ils sont tout son monde et elle ne vit que par et pour eux, à la fois à leur service, oreille attentive, et responsable de l’ordre. Mais Savitri est également habitée par l’angoisse. D’abord, cela ne se remarque pas. Elle court partout, elle pense, elle vaque à ses occupations et c’est à peine si on réalise, qu’au fur et à mesure que le temps passe, qu’on se rapproche du soir, l’angoisse monte en elle et l’attrape. L’angoisse de se demander dans quel état d’esprit son époux va rentrer. Est-ce qu’il va être aussi irascible que d’habitude, s’emportant contre tout, tous et sans raison, ou n’aura t-il comme projet que de vider ses…
Dans cette écriture qui décrit une vie de tous les jours, c’est l’angoisse sourde qui prend toute la place, comme un bruit de fond qu’au début on n’entend pas puis qui peu à peu prend toute la place.
L’histoire de Savitri nous questionne sur toutes les sociétés patriarcales, sur la dépossession de sa vie, de son être tout entier, sur le fait de n’être plus personne, seul l’ombre de son entourage, une ombre maltraitée dont la maltraitance est bien naturelle.
C’est un récit doux et dur, dans lequel on voit une femme gagner un peu d’espoir.
Wow… Belle chronique 😀
Merci ! C’est surtout le livre qui est beau !
Wow! Ce livre semble très beau en effet. Le genre de découverte littéraire qui donne des frissons et qui nous entraîne dans des réflexions.
Tout à fait ! Le tout dans la tragédie du quotidien, je pense que c’est ce qui est le plus bouleversant.