Ce livre mériterait d’être urgemment traduit dans toutes les langues. J’ai connu le travail de Naomie Oreskes grâce à l’excellent documentaire La fabrique de l’ignorance au sujet de l’industrie du tabac. Cette industrie meurtrière qui a réussi à détourner l’attention des médias et politiques quant à sa dangerosité en finançant des études au sujet des choses qui provoquent le cancer (comme la pollution automobile par exemple) mais en évitant soigneusement de parler de la clope. Bien évidemment.
Naomi Oreskes, Why trust science ?, Princeton, 2019, 360 pages. (VO)

Ainsi, ce livre est un appel aussi raisonné que désespéré à la science. Pourquoi se méfier de la vaccination ? Pourquoi ne pas voir que le climat est en train de changer ? Pourquoi dire que les collapsiologues et les écologistes exagèrent ? Quand toutes les études sont là.
Car les études n’arrivent plus à la population. Les gros titres se tablent sur des exemples soit carrément climatosceptiques (pour continuer mon exemple) soit passent par des raccourcis qui font que l’argumentation en faveur de l’écologie peut être facilement démontée. La science n’est plus crue, car complexe, certes, mais peu vulgarisée de manière intelligente. Pourtant on fait confiance aux experts, aux plombiers qui réparent, on fait confiance aux grille-pains (qui vient bien de la technologie scientifique) pour griller le pain… Mais parce que les gens voient directement le résultat, la science prend plus de temps à se démontrer, à s’expliquer avec toutes ses nuances. Pourtant on aurait un monde meilleur si on les écoutait depuis le début. Les premiers climatologues nous alertent depuis les années 70, les accords pour le climat des années 90 ont été ignorés par les Etats, le Canada par exemple, en est même sorti.
Pourquoi avons-nous l’impression pourtant que nous ne sommes pas mauvais élèves ? Car à l’image des lobbies de cigarettes, les gouvernements ne commandent que des études sur des biais qui les aident. La science a un long passé semblant non éthique, sans valeurs humaines. Alors justement que la science est là pour l’humanité.
Le buzz médiatique, la manipulation, l’aveuglement pour continuer à mener un niveau de vie génocidaire, nous amène à ne plus ni entendre ni réellement voir la science si elle ne nous est pas tout de suite bénéfique à nous-mêmes. Ce livre est donc un état lucide de notre monde et ce n’est pas joli à voir. Cependant les études sont intéressantes, le niveau reste tout à fait abordable et c’est là où le livre est si fort : si l’information était réellement transmise, si les gens dont le travail est d’informer la population faisaient leur travail, le monde irait beaucoup mieux, et personne ne se penserait trop bête pour comprendre ou croirait le premier venu. La science est à la portée de tous, il faut juste prendre bien soin de l’expliquer, comme dans ce bon livre.
Ça fait du bien de lire ta chronique. On a si rarement cette clairvoyance quant au rôle de la science. Au lieu de mettre en avant une science pour l’homme, trop souvent nous est présentée la science pour le nouveau, pour faire de l’argent, quoi qu’il en coûte pour l’environnement et pour le devenir de l’humanité. Je suis révolté de voir comment on parle ici et là de l’esprit cartésien responsable de tous nos maux. Descartes le philosophe du doute, de l’esprit critique est dénigré, ignoré (je viens de visiter son musée dans la petite ville qui porte son nom et j’ai pu constater cela sur place…). Brouiller les valeurs est une tactique redoutable ! Je vais m’intéresser à ce livre, te remerciant pour cet article, excellent, une fois de plus 😊.
Merci ! Ton commentaire me fait très plaisir ! En effet, ce livre est intéressant et il me semble que Naomi Oreskes a d’autres publications traduites en français. Elle défend en effet la science, vraie, au-delà de la manipulation médiatique qui finalement fait beaucoup de distorsions.
Je rejoins l’avis de Bibliofeel et te remercie vivement pour ce billet ; c’est exactement le type d’ouvrages que je suis toujours très heureux de découvrir en visitant les blogs. Je me demande également si, dans les sociétés « d’abondance » qui sont les nôtres, nous ne serions pas devenus rêtifs à la science car nos estomacs sont pleins, l’espérance de vie a augmenté, les besoins primaires sont satisfaits… On commence à douter du progrès et à travers lui de l’intérêt de la science. De plus, reconnaissons que la formation scientifique de la population laisse à désirer. Cela commence par les dirigeants dont la plupart n’ont pas de formation scientifique. Quoi qu’il en soit, je note ce livre et le nom de cette auteure. A très bientôt. Patrice
Merci beaucoup pour ton commentaire, d’autant plus que je n’avais pas réfléchis en ces termes mais que c’est extrêmement pertinent ce que tu dis là : « dans les sociétés « d’abondance » qui sont les nôtres, nous ne serions pas devenus rêtifs à la science car nos estomacs sont pleins, l’espérance de vie a augmenté, les besoins primaires sont satisfaits… On commence à douter du progrès et à travers lui de l’intérêt de la science »
En tout cas commentaire très éclairant, j’espère que la lecture de Naomie Oreskes t’intéressera tout autant que moi !
Je n’en doute pas !
Il est arrivé aussi que la science se trompe. On l’a bien vu au moment du covid, où toutes les « vérités » les plus contradictoires nous ont été assénées de la façon la plus péremptoire, les unes après les autres, puis corrigées ou contredites de manière tout aussi « scientifique »… Les vérités de la science sont provisoires, me semble-t-il, et toujours sujettes à discussion ou à réfutation…
Justement, aux médias de savoir vérifier leurs sources, et d’écouter les scientifiques.