Fille, femme, autre – Evaristo

Le titre prend encore plus de sens à la fermeture du livre. Quel livre ! C’est un livre qui fait entrer des voix en vous. Ce livre raisonne dans votre tête, de murmures et de peurs, de cris déchirant dans votre ventre. Ce sont des histoires de femmes, parfois de générations. Des histoires très actuelles aussi, des histoires de notre société et parfois des histoires anciennes qui nous paraissent traditionnelles ou d’une culture différente. C’est un livre au sujet du féminisme noir. Ce sont des tranches de vies qui illustrent ce qu’est être une femme noire en Grande-Bretagne d’hier à aujourd’hui. Mais pas qu’eux. Qu’est ce qu’être white-trash aussi ? Y a t-il un concours au plus mal loti ? Comment le monde évolue ? Par la technologie, mais aussi grâce à l’acceptation des autres, qui, on l’espère au fil de se livre, va vraiment, peut-être, finir par être naturelle. On va peut-être arrêter de se haïr sans raison, un jour. En lisant des livres tels que celui-ci.

Bernardine Evaristo, Fille, femme, autre, Globe, 2021, 576 pages.

Un si beau livre. Vraiment. Chez Globe, ils sont très fort pour vous renverser.

Il y a un tout petit côté saga familial, grâce à quelques destins croisés et quelques aïeules à qui on laisse la parole. Ca me ramène à mon si vieux, si grand projet dont j’avais parlé ici. Il faut enregistrer les grands-mères, ça prend du temps mais ça leur fait plaisir. Elles le réclament, comme si elles se rendaient bien compte que leur monde n’est plus, qu’il ne reste qu’elles pour le transmettre et qu’elles en ont la force nos mamies qui ont vu la Guerre. Je pense à ma propre grand-mère, certes, mais je pense aux vieilles dames que je vois au travail, l’une d’elle me disait justement : « je ne serai pas toujours là et ils ne s’y intéressent pas encore, alors je vais peut-être écrire, m’enregistrer. »

Le livre, qui pourrait porter le nom que je n’aime pas de « roman choral », a une sorte de fil rouge autour d’une pièce de théâtre consacré aux Amazones du Dahomey. Vous ne connaissez pas ? Si ? Eh bien je les ai rencontré récemment grâce à l’œuvre au Museum de Toulouse, lors de l’exposition itinérante Sorcières.

La dernière partie du livre, nommée « La Fête », illustre l’inauguration de cette pièce de théâtre. Avec forces de ressemblance et criante de vérité sur ce qu’est un événement artistique aujourd’hui à Londres… Ou à Paris. Vous avez déjà travaillé pour des spectacles, des expositions, des sorties littéraires ? Vous avez participé à cette grande mascarade servie avec champagne et petits fours ? Vous avez regardé ces gens qui s’ennuient ? Ceux qui s’écoutent parler ? Les grands universitaires et les artistes qui s’efforcent d’avoir l’air « à part » ? Vous avez entendus ceux qui braillent qu’ils connaissent mieux le sujet, que eux n’ont pas été corrompus par la société, que eux sont sincères dans leur art/pensée/idée ? Vous voyez ? A peu près ? Eh bien là, figurez vous que c’est drôlement bien fait, et surtout, c’est drôle ! Un peu de légèreté qui termine ces pages parfois totalement glaçantes.

Une histoire en chorale du féminisme noir, quand il n’existait pas, quand il ruait dans les brancards, quand il s’est réinventé, et toutes les autres périodes entre. Merveilleux.

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