Drôle, intelligeant, ce qu’il faut d’incisif et de mouvementer, voici un très bon (et très petit) livre pour (re)découvrir les enjeux féministes d’aujourd’hui en Occident.
Alice Coffin, Le génie lesbien, Grasset, 220, 240 pages.

C’est un très bon livre, drôle, qui se boit comme du petit lait. Mais même s’il est là pour éveiller les consciences (et ça fonctionne ! je vais vous dire pourquoi ci dessous), je pense qu’il ne peut pas s’adresser à tout le monde. Il y a un grand vocabulaire très contemporain, très propres aux luttes, qui, pour peu qu’on soit un homme blanc de 60 ans ne parlant pas vraiment anglais, risquent d’être assez incompréhensibles. En effet, dans certains cas, il y a des chances de ne jamais avoir croisé aucun de ces termes dans son existence. C’est un fait mais c’est aussi terrifiant ; parce que, justement, l’autrice montre comment le monde patriarcal se crée et travaille à se conserver. Par les médias principalement, pas du tout un « quatrième » pouvoir comme on aime à les fantasmer, ils : continuent seulement à cimenter des murs déjà existants. C’est d’un triste… (et puis, pour tout vous avouer, j’ai préparer le brouillon de cet article il y a quelques mois, et depuis, la réalité a bien illustré ce qu’elle démontre ici !)
Ce que montre l’autrice c’est comment nous sommes imbibés, jusque dans nos manières de nous habiller, de marcher, des choses aussi simple que de manger, etc. Nous sommes conditionnés par l’image du monde que nous renvoie une société constituée de personnes rigoureusement identiques qui ne représentent même pas la moitié de la population ! Effrayant. Et on en a conscience, dans la vie de tous les jours : on voit bien ces viols et meurtres de haines (feminicides ou racistes) impunis. Mais voir que cela se glisse dans les moindres interstices de nos vies, à quel point on a fini par dépendre de ce regard de haine, ça fout les jetons, ça épuise.
Est-ce que ce ton que j’emploi, désabusé, désespéré, atterré, attristé, effrayé est adopté par Alice Coffin ? Est ce que c’est ça qu’elle a voulu faire passer, cette Terreur ? Pas du tout ! Au contraire, tout cela est remarquablement expliqué avec beaucoup d’humour et d’anecdotes. D’ailleurs, elle décrypte pour nous des ouvrages (comme le féminisme patriarcal). Elle nous raconte une histoire des luttes pleine de bonhommie et d’espoir, elle décrit bon nombre d’actions et de mouvements menées dans la joie et l’entraide. Et si mon pessimisme n’était pas ce qu’il était – c’est ça qu’il faudrait garder comme souvenir de ce livre – : tous les possibles qu’il ouvre.
Un énième repas avec des amis m’a montré à quel point quasiment tout le monde vit dans le déni de la manière dont le patriarcat façonne la vie de tous.Dans tous les cas, ce livre me tente beaucoup surtout si le ton est non dénué d’humour.
je le conseille en effet chaudement ! cela te fera du bien (et rire !)