Je n’ai jusqu’ici lu qu’un livre de Zyké, mais j’en garde un excellent souvenir, celui-ci également m’a beaucoup plus, plus aigre que doux, mais d’un humour noir, assassin, qui fleure le chat noir.
Cizia Zykë, Paranoïa, Le livre de poche, 1990, 416 pages.

Voici un livre qui se lit d’une traite. Un livre simple qui est en réalité le récit d’un paranoïaque -comme son nom l’indique -qu’on suit entièrement dans son intériorité. Un livre qui ressemble à La bête à sa mère et à bidule que j’ai déjà chroniqué sur le Bar aux Lettres. C’est ce même type de livres malaisant, à l’humour grinçant.
Pour qui possède cet humour noir très désagréable et pourtant délicieux : entrez dans l’intimité, dans la tête d’un assassin récidiviste, aux prises avec lui-même et la société !
L’auteur est un habitué des romans étranges, mordants, dérangeants, qui – si ici la drogue et l’alcool sont discrets – use des débordements de la déchéance parisienne. Il nous livre quand même une belle fresque d’une folie meurtrière. Les choses que j’ai particulièrement aimé, bien que le style soit simple mais très agréable, ce sont les dialogues. En effet, les dialogues, car il sait écrire les tics de langages caricaturaux : ils glissent tout seuls. C’est pas comme si nous les lisions, c’est plutôt comme si nous les entendions, et ça c’est assez incroyable, cette réussite, de rendre des dialogues vivants, des dialogues qui s’écoutent plutôt qui ne se lisent. Ainsi, de par cela c’est un coup de maître.
D’autre part, les Parisiens adoreraient cet ouvrage. En effet, le livre dépeint Paris de la plus simple manière, de la plus incisive manière, de la plus naturelle manière. Qui aime Paris aimera retracer les chemins qu’empruntent le narrateur si bien dépeints, les saisons passent et Paris vit avec une justesse incroyable. Les trajets du narrateurs sont romantiques comme la ville et sale comme elle est : cette dichotomie propre à Paris est très bien décrite. Ce sont les dialogues et cette description de Paris, deux très grands points forts du roman, qui participent au plaisir qu’on prend à le lire.
Mais ce n’est pas tout ! Les personnages quelques peu caricaturaux – mais pas trop – permettent de s’identifier avec recul et humour. Ainsi, ce roman dérangeant est critique du parisianisme, critique du monde de l’édition, du monde de l’argent et même du monde de l’art… critique en tout. Mais avec cet humour particulier, à la langue agréable, se lit très vite, bien qu’il ne restera peut-être pas dans les annales autre que comme un très bon moment de lecture.
Le début du livre principalement, et quelques passages, m’ont fait penser à une parodie de La promesse de l’aube. On retrouve un peu ça dans La bête à sa mère, d’ailleurs, avec la naissance d’un psychopathe génial, ombré par l’amour que sa mère lui a apporté. Le personnage de Cizia Zyke est aussi bel et bien un psychopathe contrairement à Romain Gary, mais c’est avant tout un auteur, un auteur dédié toute entier à son travail, tout à son ascension en tant que grand écrivain. Et, cette volonté d’écrivain, cette volonté de grandeur, et hérité par sa mère, qui a tout fait pour le forger ainsi m’ont farouchement fait penser à la thématique principale de La promesse de l’aube. Je n’en dit pas plus, mais cela pourrait être la version de La promesse de l’aube si le plan de la mère de Romain Gary avec échoué. Je ne sais pas du tout si c’est une volonté de l’auteur, mais c’est vrai qu’on peut y penser et en rire.
Souvent, et avec malheur, un bon livre se finit de manière décevant, ce n’est pas du tout le cas ici au contraire, l’humour d’un son se fait merveilleux, retourner contre le personnage principal. Vraiment un excellent livre, dérangeant, extrême, mais vraiment réussi, vraiment un très bon livre.
D’autant plus, ce qui m’a fait rire personnellement, ce roman est inspiré de la mise en page d’un journal intime, il possède donc des dates, tout en almanach, et personnellement, les dates choisies, tomber très régulièrement sur des anniversaires de proche à moi, ce qui n’a fait que m’attacher d’autant plus à l’ouvrage, me donner à rire, enfoncé dans le malsain cette histoire, coïncidence amusante et génial.
Ayant beaucoup aimé La bête à sa mère, autant te dire que je suis complètement convaincue !
Ah ! Il me tarde de voir ton avis !