De la thématique et des nombreuses références au sujet de l’art queer qui composent l’âme de cet ouvrage, je m’attendais à un gros morceau. Cela en est bien un mais de manière étonnamment accessible ! Je l’ai lu très rapidement, assez agréablement.
Isabelle Alfonsi, Pour une esthétique de l’émancipation, B42, 2019, 160 pages.
Il est également plaisant de découvrir l’histoire de l’art contemporain… J’ai envie d’utiliser l’expression « d’un œil neuf » mais ce serait plutôt d’un œil sincère. En effet, comme Isabelle Alfonsi l’évoque au sujet de l’artiste Félix Gonzalez-Torres, certains engagements artistiques ont été effacés, policés, pour des questions de marché, de commercialisation, de finance… Très loin de son engagement homosexuel et de son travail au sujet du SIDA. C’est une histoire de l’art – contemporaine, car cet effacement perdure jusqu’à nos jours – qu’il faut sans cesse reregarder, non pas pour la modifier mais, au contraire, pour la déshabiller d’une appropriation qui diverge de la volonté artistique première.
Si j’introduis ce livre par cet exemple parce que je crois qu’il illustre le fond de l’ouvrage. L’art à cette fâcheuse réputation de vouloir choquer, provoquer… Mais si ce n’était pas du buzz, si au contraire le buzz, le flouze, ne se faisait qu’à cause du lissage ?
Grâce à quelques exemples emblématiques, l’autrice livre une histoire de l’art contemporaine, sans en masquer le féminisme et la pensée queer, en les remettant justement là où ils doivent être : au cœur de la pratique d’artistes ouvertement engagés.
En ouverture, elle réhabilite même des artistes oubliées du grand public (Claude Cahun et Marcel Moore).
C’est un livre d’une grande portée, extrêmement facile à lire (j’étais surprise de la rapidité avec laquelle se tournaient les pages pour un essai !), intelligent, et qui offre des clés de lecture pour qui entre dans un musée d’art contemporain, ou pour qui veut rencontrer le monde.
Un essai qui se lit étrangement avec le cœur.