Ulysse – Joyce

Ca y est, je l’ai fait ! Je l’ai lu ! Ce monument terrifiant qui me faisait trembler depuis mes (déjà) lointaines études de Lettres. CA Y EST, j’ai lu le fameux Ulysse de Joyce ! Je peux dire que je l’ai fait, et c’est tout ce que je peux dire. Parce que vous savez quoi ? C’est exactement comme on vous l’a décrit, c’est exactement comme vous vous l’imaginez. Tant et si bien d’ailleurs, que mon compère Le Nocher des Livres, qui a été assez fou pour me suivre dans cette aventure, m’a abandonné, moi seule ai triomphé du monstre !

J’ai quand même préparé un (long) article, sans doute pas pertinent mais qui je l’espère vous fera rire un peu.

James Joyce, Ulysse, Folio Gallimard, édition de 2013, 1659 putains de pages !

J’avoue que quand je me suis lancée dans cette lecture commune c’était pour me motiver et que je n’y allais pas en imaginant rencontrer un coup de cœur : j’ai bien fait, j’aurais été déçue ! La seule chose qui m’a surprise c’est la vulgarité gratuite et régulière tout au long du livre.

Durant ces longues semaines durant lesquelles j’ai trainé Ulysse avec moi, je n’ai pas abandonné malgré mon incompréhension totale dès le début du livre. Heureusement, j’avais déjà quelques informations pour moi : je savais que c’était un bouquin de presque 2000 pages, une réécriture de l’Odyssée qui se passe au début du XXe siècle, 24h dans la vie d’un gars, tout en étant un exercice littéraire qui mélange les genres et les styles.
Même avec quelques connaissances, l’enfer est là dès LA première page qui comporte pas moins de 4 notes de bas de page sur des références littéraires pas du tout annoncée.
D’ailleurs, avant de lire Ulysse, ce n’est pas l’Odyssée qu’il faut relire mais Hamlet ! J’avais l’impression qu’il était partout, qu’il fallait le connaître par cœur pour voir les clins d’œil. A tel point que le chapitre entier nommé « De Charybde en Scylla » est une réécriture d’Hamlet. Oui, dans une réécriture de l’Odyssée ! Des réécritures qui se renvoient le lecteur comme une balle, tels les monstres le bateau d’Ulysse ?
Pareil, il faut avoir une solide culture sur la situation politique et sociale de Dublin au début du XXe, sinon à part qu’on baigne dans un marasme raciste, on ne comprend pas grand chose. Je passais mon temps à lire les explications en fin d’ouvrage, c’était insupportable alors j’ai finalement décidé de continuer à l’aveugle et de me contenter de ce que mon cerveau réussirait à comprendre.
Ce qui m’a sauvé ce sont les passages finalement très concrets et réalistes dans l’humanité : le professeur à l’école, un enterrement, une naissance… Des choses très terre à terre qui m’ont permis de commencer à comprendre au moins ce qui se passait.

Pourquoi est-ce si peu clair me demandez-vous ? Eh bien, disons que l’écriture est hachée: anarchie de points dispersés au grès du vent, en pleine phrase, entre un nom et un adjectif… Cela n’aide pas du tout à la lecture, tout autant que les changements de temps se succèdent dans une même phrase. Par exemple :
Première partie de phrase imparfait. Point anarchique. Deuxième partie au présent. Phrase adverbiale.
Franchement, il faut s’accrocher !

On ne s’étonnera pas – et même on aurait dû commencer à se méfier – quand on voit que pour l’édition que je possède il n’a pas fallut moins de 17 traducteurs et critiques ! DIX-SEPT !
Cependant malgré leurs lumières (notes de bas de pages et notices explicatives pour chaque chapitre) j’ai quand même eu grand mal. D’abord parce que, ces notices, elles aussi il faut être drôlement bien réveillé pour les lire. C’est du grand jargon universitaire.

Ainsi pour illustrer ma longue déconfiture page après page, un exemple concret que j’ai relevé :
Dans notre lecture, on comprend bien qu’il est question d’une naissance (toujours les grandes thématiques de la vie nous aide à tenir le cap), mais j’étais loin d’imaginer ce qu’allait me révéler la notice du chapitre en essayant de me faire croire que j’avais à faire avec de la grande poésie. Pour comprendre un chapitre chez Joyce, il faut connaître quelques infos, comme concernant celui-ci : « Technique : un épisode en neuf parties, sans divisions, introduite par un prélude du genre Salluste-Tacite (l’oeuf non fécondé), puis un passage écrit dans le style anglais primitif allitératif, monosyllabique et anglo-saxon […] puis à la manière de Mandeville […], puis de la Morte d’Arthur de Malory…. » Et j’arrête ici la citation car j’ai pitié de vous.
Mais comment ces éminents critiques, même si c’est leur boulot, arrivent-ils a deviner et à déceler tout cela pour comprendre ce que ce cher Joyce raconte ? Facile ! Ce qui est cité ici et qui sert aux universitaires de preuve du génie de Joyce (ou d’une grande cacophonie pour ma part) c’est une lettre de l’auteur à son pote. C’est à dire que si l’auteur lui-même ne s’étaient pas autoanalysé, je pense qu’on serait tous restés comme moi, là, sans comprendre et en se faisant royalement chié (pardon mais c’est vrai !)

Sans les notices je n’aurais pas survécu. Surtout pour les chapitres en mode pièce de théâtre (déjà que j’ai HORREUR de LIRE du théâtre) où la notice donne en effet toutes les clés de lecture. Il vaudrait d’ailleurs mieux lire la notice avant de commencer la lecture du texte (et vous savez que j’ai HORREUR des préfaces, que je préfère les postface) mais là c’était infaisable autrement : les morts réapparaissent, mais ne sont pas visibles par tous donc on ne sait pas qui parle à qui, les personnages reviennent sous d’autres identités et se font reconnaître grâce à leurs tics de langages (qu’il faut réussir à déceler dans le marasme ambiant), il faut comprendre les allusions à une ou deux phrases d’autres chapitres pour comprendre à quoi les personnages font référence… Trop c’est trop ! Non c’est non ! On est dans les pages 700-800 on n’en peut plus !
Ah oui, puis seulement il ne s’agissait que de théâtre ! Mais non, on passe du registre de la dramaturgie, à celui du music-hall, puis du vaudeville, etc.

C’est ainsi que j’ai pris ce pauvre Joyce en grippe, non seulement je n’ai pas aimé son œuvre, mais le temps de ma lecture, il me suivait partout : dans les librairies, sur les sites de Musées, toujours un petit mot sur lui car il y avait séjourné ou autre… Je ne pouvais plus le voir ! Et puis, comme si cela ne suffisait pas, les notices nous offrent donc les pistes de compréhensions, mais aussi son autoanalyse, l’autoanalyse de ses textes, et je pense que là, définitivement, se fut la goutte de trop pour moi ! Car non seulement, je n’ai pas aimé comme je le disais, mais en plus, il n’avait pas besoin de se faire retirer les côte pour se s… Bref, pour faire son éloge. Au secours !

Bref, je l’ai fait ! Je l’ai fait ! Mais que c’était affreux ! Mais que c’était long ! Mais comme je n’ai pas réussi à m’intéresser à 90% de ce texte ! À l’aide ! Il m’a traîné tout le début de l’année, je ne parvenais pas à m’en dépatouiller ! Finalement, la chose la plus intéressante que j’ai lu c’est quand je me suis renseignée sur Sylvia Beach de Shakespeare and Co, qui a été celle qui a voulu l’éditer. Mais bon elle a une vie (en générale et sentimentale) dix fois plus intéressante que l’épisode où elle était avec ce gars-là. D’ailleurs, renseignez vous sur Sylvia Beach ! Elle a eu une vie incroyable, elle était exceptionnelle, elle, et oubliée de l’Histoire, elle !

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35 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Toutes mes félicitations pour en être venue à bout !
    Ton avis me confirme que je n’ai pas le bagage littéraire et culturel suffisant pour arriver à me dépêtrer d’une telle lecture…

    1. Mon article est un énorme « n’y allez pas !!! »
      Je pense que n’importe qui qui n’a pas précisément le bagage et les pensées de Joyce est incapable de comprendre quoi que ce soit. Bon, je suis bien contente d’avoir assouvie ma curiosité maintenant que la douleur est passée ahah

      1. C’est un bel exploit de ta part !

      2. Je n’ai pas grand mérite je n’ai pas tout compris !

      3. C’est encore plus remarquable

      4. Ahah à un moment j’ai abandonné la lutte et je m’aidais principalement des notes et des analyses en fin d’ouvrage !

      5. c’est une bonne méthode 🙂

  2. Encore une fois, un grand bravo !
    Je confirme, j’ai craqué et n’ai pas eu ton courage. Si encore le texte était court, mais il est d’une longueur dévastatrice, avec des notes à n’en plus finir (on n’est pas obligé de les lire, mais je m’y sens tenu, des fois que je loupe quelque chose).
    Donc désolé de t’avoir fait faux bond, mais ton billet me confirme que je n’ai pas manqué grand chose.

    1. C’est avec grand plaisir que j’ai montré ton échec du doigt ahah mais tu t’es évité une tâche bien pénible et tu as eu raison ! Même si je n’ai pas compris la moitié de ce que je lisais, je suis bien contente d’avoir tenté l’expérience ! Ca doit être là où commence et s’arrête mon côté aventureux ahah !

  3. Madame lit dit :

    Wow! Je te lève mon chapeau… C’est le genre de livres que je lirais en suivant un cours juste sur ce bouquin à l’université comme je l’ai fait pour l’Iliade et l’Odyssée. Si non, je ne survivrais pas… En tous les cas, tu m’impressionnes. Je ne le lirai pas. C’est trop complexe pour moi.

    1. Ah mais je n’ai pas tout le mérite : je n’ai pas tout compris ! Si mon esprit vagabondait… Je ne luttais pas !
      Oui, je vois très bien ce que tu veux dire, je pense que c’est le genre de livre qu’il est intéressant d’étudier mais pas de lire en effet !

  4. PatiVore dit :

    Eh bien, un grand bravo !!! Mais franchement, il ne m’attire pas du tout, et encore moins après ce que tu en dis… 😉

    1. Ah non mais vraiment, il ne faut pas tenter ahah !

  5. Bibliofeel dit :

    Je pense que c’est un véritable exploit d’aller au bout de ce machin. BRAVO. Je l’ai commencé deux fois et j’ai fini par lire des petits bouts par ci par là… J’attends ton analyse 😀

    1. J’ai bien peur que toute mon analyse est là, dans ce billet : c’était une vraie plaie, je n’ai rien compris, même en me raccrochant aux analyses en fin d’ouvrage comme à une bouée de sauvetage dans une tempête ahah !

  6. Félicitations !! Mille fois bravo !! Il fait partie de ces classiques qui me font si peur… Je reconnais qu’il y a du génie, de passer d’un genre à l’autre, décrire comme il le fait mais… la longueur, le fait qu’il faut un sacré bagage me décourage et tout le monde dit que c’est ennuyant… hum un jour peut-être je me dis ça aussi pour Proust !!

    1. Très franchement, je suis contente de pouvoir dire que je l’ai fait mais c’est tout ce que j’ai à y gagner… C’est vraiment barbant et incompréhensible… Ça ne vaut pas tellement la peine j’en ai bien peur, sauf dans le cadre d’un cours ou d’un séminaire où toutes les clés seraient données… Mais là encore…

    2. Pareil je ne me suis toujours pas frottée à Proust ! Mais il paraît tout de même que c’est plus digeste !

  7. Tout le long de ta chronique, j’étais partagée entre le rire et l’effarement en mode « mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? ». Je savais que c’était un livre terrifiant, exigeant, complexe, mais en fait, c’est mille fois pire que ce que j’imaginais ! Clairement, je n’ai pas les connaissances pour ce livre ; clairement, je raye la simple idée de le lire un jour Passer trois plombes sur un bouquin illisible pour ne rien piger et souffrir à chaque instant, je passe mon tour, il y a bien d’autres classiques plus attrayants !
    Mais chapeau quand même ! Même si tu n’as pas tout compris, même si tu as laissé ton esprit vagabonder, c’est un exploit d’être allée au bout !

    1. Mdr vraiment c’était pour la fierté de l’avoir fait mais qu’elle souffrance ! Même les exercices oulipiens sont moins tirés par les cheveux et agréables à lire ! (Largement en plus !)

      En tout cas je suis contente de t’avoir amusée j’ai essayé de mon mieux !

      1. Tu peux être fière de toi, je confirme ! Clairement, je pense que c’est moins douloureux (dit celle qui a abandonné La Disparition… ^^)

      2. Je ne peux pas dire, je n’ai jamais essayé de lire celui-ci !

      3. C’est assez impressionnant d’avoir réussi à écrire un livre sans « e », mais sur la durée, j’ai trouvé que ça devenait lassant car il a parfois recours à des tours et des détours un peu nawak. ^^

      4. J’imagine bien ! Etant donné l’omniprésence de cette lettre !

  8. Bravo d’être arrivée jusqu’au bout, quelle endurance et quel courage !
    J’avais essayé de le lire mais j’ai abandonné au bout d’une trentaine de pages, je trouvais ça incompréhensible et en plus désagréable comme style.
    Bref, je rejoins complètement tes avis et tes impressions de lecture.

    1. C’était une question de fierté, mais cela ne m’a apporté rien d’autre je l’avoue !

      1. Ca élargit aussi ta culture littéraire, je pense… Un livre apporte toujours (au moins) un petit quelque chose.

      2. Oui, certes ! Mais je comprends que ce soit un livre facilement abandonné et qu’on ne fasse pas l’effort de le terminer car le jeu n’en vaut peut-être pas la chandelle !

  9. keisha41 dit :

    Bravo quand même! Je me suis frottée à ce truc, je l’ai acheté en poche, et en fait les notes à la fin étaient quasiment pires. J’ai même commencé en VO. Le cimetière très woolfien, c’était bien. Et puis le temps passait, j’avais mieux à faire et je ne savais plus qui était qui. Franchement, à quoi ça sert d’écrire u n truc que personne (ou presque, j’ai rencontré une blogueuse enthousiaste qui a maté le truc en une semaine!) ne peut comprendre. Ou alors, y aller en naif, après tout, c’est peut être la bonne méthode, mais pfff, je n’accroche pas.
    Tiens, ce qui a contribué à m’achever :
    « La servante était dans le jardin, et rin et rin et rintintin. Une belle matinée.(chap 4 p 141) »
    Hé bien en VO c’est :
    The maid was in the garden. Fine morning. »
    Mais qui a traduit ainsi? La VO est niveau sixième à cet endroit (OK, ailleurs c’est autrement)
    Quand même je ressens une grosse frustration à ne pas y être arrivée (et oui, Proust ça me va bien)

    1. En anglais ! Je n’aurais jamais osé ! Mais je suis très surprise justement de voir que la traduction a pris des liberté pour en rajouter une couche… C’est très étrange d’ailleurs… Si ça se trouve c’est un traducteur qui a fait la blague aux francophone ? Ahah !

      J’admire la blogueuse qui a aimé et s’en est bien sortie, moi j’avoue que je n’y comprenais pas grand chose, c’était un peu un pari égocentrique que j’avais fait de réussir à le finir, mais ça ne m’a pas apporté grand chose…
      Je ne me suis encore jamais frottée à Proust ! Peut-être prochainement ! Je n’ai plus peur de rien ahah !

      1. keisha41 dit :

        J’ai juste commencé en VO, ensuite passée au français, en poche .
        Proust au moins, on peut tout de suite se sentir concerné; tiens ce matin dans un billet
        « Il y a déjà bien assez de laideurs dans la vie. Pourquoi au moins ne pas les oublier pendant que nous lisons ? » tiré d’un des volumes.
        Mon conseil, c’est lire en une décennie (et mieux si affinités, mais bon, un volume par an ça va)
        Et on a le droit d’abandonner.^_^

      2. C’est une bonne idée oui ! Peut-être un jour ! Mais j’avoue que Proust me parait moins nébuleux et incompréhensible que Joyce, même si compliqué !

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