Ce livre a fait du bruit à sa sortie, et pour cause !
J’ai le plaisir de le lire dans le cadre du la 6ème édition du Mois de l’Europe de l’Est.
Je n’ai que très rarement lu un livre où les personnages sont si bien dépeints, ils sont en dehors du papier, ils sont vrais, réels. Même certaines autobiographies sont plus romancées que cela !
Martyna Bunda, Les cœurs endurcis, Editions Noir sur Blanc, 2022, 256 pages.

Vraiment, les personnages sont plus que réels, sans que l’autrice ait à faire de grande introspection ; ce livre possède une narration omnisciente fait tout de même défiler les points de vue à la manière d’un roman choral. C’est à dire que bien qu’on n’ait pas accès à l’intériorité des personnages, on passe d’un focus à un autre. Et pourtant, on aurait parfois bien du mal à dire sur qui s’est concentrée la narration omnisciente qui se partage entre la mère et ses trois filles, tant elles sont ensemble dans l’adversité. Tant elles se soutiennent dans tous ce qui les oppose. C’est ce genre de famille qui n’ont plus qu’elles, la mère n’a plus que ses filles, ses filles n’ont plus que leur mère bien qu’elles se marient et aient des enfants : il faut s’occuper de la ferme familiale, de la mère qui finit par vieillir et les unes des autres. Il faut s’entraider coûte que coûte car c’est comme ça qu’elles ont survécu aux horreurs de la Seconde Guerre Mondiale.
Ainsi, c’est l’histoire de ces femmes de la campagne de Pologne post-guerre qui nous est racontée. Comment elles grandissent, évoluent, se reconstruisent, s’entraident malgré leurs ressentiments et leurs différends.
Et c’est là où c’est si fort. L’écriture n’en fait pas des tonnes et garde donc une espèce de distance avec le lecteur qui fait que cela rend les personnages terriblement réels. On peut être horrifié de voir sa mère perdre la raison, et réagir de trois manières totalement différentes, on peut se conduire de quatre manières qui n’ont absolument rien à voir les unes entre les autres concernant la maternité. Et pourtant, s’aimer d’une certaine manière, se soutenir, essayer de se comprendre ou de s’affronter. Il y a quelque chose de très pur, de très factuel dans tout ce qui se passe dans ce récit et les émotions des personnages sans la grande éloquence des grands romans. Mais là est sa force, pas besoin de mélodrames quand il y en a suffisamment, quand il y en a autant, de manière aussi factuelle qui soit. Et pourtant, les personnages sont toujours très cohérents, en toute logique avec eux-mêmes.
Comment on vit après les traumatismes de la guerre ? Comment on vit dans un pays qui ne cesse d’être chamboulé ? Comment on se nourrit ? Comment on se débat avec l’administration, la milice ? Comment… Comment… Comment gère-t-on une famille au milieu de tant de drames et d’agitations ?
C’est un premier roman – et quel roman ! un grand roman ! Très bien écrit, très poignant par sa sincérité car jamais de grands mots, toujours quelque chose de tèrs simple et, justement, parlant à tous.
Je vous laisse sur une phrase, une tournure de phrase si simple qu’elle est marquante, comme tout ce roman :
« Les cousins qui habitaient la région n’avaient plus leurs yeux ouverts que sur les photos […]«
Ce que tu écris sur le style de ce titre me tente énormément.. et hop, je note !
C’est un immense coup de coeur, j’y pense encore souvent !
Alors là, tu fais très fort. Quel beau billet, quelle incitation à la lecture ! Ce livre m’a l’air vraiment très riche dans ses thèmes et le court extrait que tu mentionnes à la fin du billet donne à lui seul l’envie d’en savoir plus. Magnifique !
Je pense souvent à ce livre, un vrai coup de coeur, je pense que je ne tarderais pas à le relire. J’ai bien évidemment piqué cette idée de lecture sur le Blog de Passage à l’Est !
Ca me fait plaisir de lire une chronique de ce roman, et en plus si enthousiaste!
Tu es toute entière responsable de ma lecture de ce livre, ton article m’avait beaucoup happé !
Je me souviens de ton commentaire. J’assume la responsabilité avec plaisir!
C’était vraiment une excellente lecture merci beaucoup !