Celle qui plante les arbres – Maathai

Voici un grand livre lu dans le cadre du Mois Africain de Jostein. Autobiographie de la Prix Nobel de la Paix, on peut dire que Wangari Maathai n’a ni froid aux yeux, ni la langue dans sa poche ! Elle revient grâce à son autobiographie sur l’évolution du Kenya durant le XXe siècle, à travers ses yeux on découvre la dernière génération qui se souvient encore de l’ancienne société.

Wangari Maathai, Celle qui plante les arbres, Editions d’Héloïse d’Ormesson, 2007, 380 pages.

Il est magnifique ce livre, et si riche ! On en sort l’esprit nourri : j’ai corné un nombre incalculable de pages. Dès les premières pages où l’autrice revient sur son enfance de paysanne, au pied du Mont Kenya, elle y décrit un mode de vie perdu et oublié, les mains dans une terre fertile. Fertile ? Le Kenya ? Eh oui !
Dès les premières pages, la nature prend toute la place qu’on lui a arraché, le ton est donné, elle explique déjà la modification du paysage qu’elle connaissait si bien et que ses enfants n’ont jamais connu. Le colonialisme a réinventé le paysage, et pas pour le mieux. La flore naturelle recule, transformant profondément et définitivement les sols, les rendant presque infertiles, devant remplacer une agriculture millénaire et naturelle par une agriculture intensive et difficile, jetant les populations dans la famine et les expropriants. Une histoire tristement banale contre laquelle Wangari Maathai a décidé de se battre.

C’est là l’autobiographie d’une grande dame qui a décidé de changer les choses, qui nous met face aux contradictions et à l’hypocrisie du monde dans lequel nous vivons :

« Pour moi, le managu offrait des délices plus immédiates : lorsqu’on m’envoyait avec mes frères et soeurs garder les chèvres ou les moutons sur un champ qui venait d’être récolté, je me régalais des petites baies jaunes et juteuses […] Cette délicieuse plante a malheureusement disparu, victime de la surexploitation des terres et des herbicides et autres produits chimiques dont on asperge désormais les cultures extensives.« 
«  […] le gichandi [était] une calebasse séchée et évidée, remplie de graines et de cailloux et garnie sur l’extérieur de fils de perles. Selon la façon dont on la secouait la musique qu’elle produisait évoquait des devinettes, proverbes ou récits folkloriques. […] Le gichandi a ainsi disparu des villages, mais il y en aurait un spécimen dans les collections d’un musée de Turin.« 

C’est l’histoire du Kenya qui défile au travers ces pages, par les yeux d’une jeune fille qui a eu la chance d’être envoyée à l’école, puis aux Etats-Unis, une personne appliquée et aux yeux étonnés face aux contradictions du monde. On voit un Kenya qui se déchire, où les terroristes d’hier sont en réalité les défenseurs d’aujourd’hui et des peuples kenyans. La dictature et la corruption ont aussi la part belle dans cette triste histoire récente, toujours retracés par la plume d’une femme qui a combattu pour exister : femme, épouse, mère, mais une ombre au tableau : éduquée. Elle s’est battue pour son pays, sa nature, ses terres et les paysans, mais cette universitaire était loin de faire l’unanimité. Elle s’est débattue tant bien que mal au sein d’un système qui voulait la détruire – et elle prend un malin plaisir jouissif à régler ses comptes dans son autobiographie. Ces mêmes personnes qui ont voulu sa perte, alors qu’elle luttait pour l’écologie et usait de son influence internationale pour cela, sont revenues lui dérouler le tapis rouge une fois le Prix Nobel en poche.

Le récit est sur un ton didactique et relativement léger, agréable à lire, mais aussi très rythmé – même lors des intrigues politiques – où l’autrice n’oublie jamais ce que c’est que d’être une femme kenyane, qui ne possède rien réellement. Mais elle est habitée d’une telle force qu’on a envie, nous aussi, de s’engager tout de suite au sein des choses qui nous tiennent à cœur. C’est une lecture inspirante et qui nous apprend énormément de choses sur les traditions mais aussi sur la marche du monde. A lire absolument !

8 commentaires Ajouter un commentaire

  1. jostein59 dit :

    Une très belle découverte ! Merci, je note

  2. Sacha dit :

    Ton enthousiasme est communicatif, je note ce titre. Ce sera passionnant de découvrir l’évolution (malheureusement pas dans le bon sens sur le plan écologique) du Kenya. Une sorte de pendant à La ferme africaine ;-D

    1. L’évolution (ou non) du statut de la femme est largement abordé aussi : passionnant !

      Ah bah écoute, je pense que j’avais vu le film d’un oeil, il y a fort longtemps, quand j’étais ado : je me note de me procurer ce livre maintenant !!!

      Merci !

  3. Il est dans ma pal depuis des années, il va falloir que je l’en sorte!

    1. Et vite ! Ca touche au sublime !!!

  4. An dit :

    Décidément, le continent africain regorge d’auteurs qui valent la peine! Je prends énormément de plaisir à découvrir ces littératures, et suis avec beaucoup d’intérêt tes lectures (majoritairement positives) dans ce mois africain. Merci encore une fois, je prends note de son nom!

    1. C’est vraiment une superbe initiative de Jostein ! Parce que c’est assez peu « publicité » en France et visiblement il y a de quoi faire !
      Ah mais vraiment, cette grande dame – maintenant que je la connais ahah – me parait incontournable ! Mais sans le mois Africain (qui m’aide aussi dans mon Tour du monde littéraire) je serai sans doute passée à côté !

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