L’arithmétique terrible de la misère – Dufour

J’ai ouvertement ri, il faut dire j’avais un très bon souvenir de L’accroissement mathématique du désir, je m’étais beaucoup amusée.

Catherine Dufour, L’arithmétique terrible de la misère, Livre de Poche, 2022, 448 pages.

Ces nouvelles sont autant de faces de la même pièce : des nouvelles de science-fiction, dans lesquelles on n’a aucun de mal à y reconnaître la critique de notre monde. Même si, des années plus tard, celui-ci a bien changée : on peut tout de même y lire la critique d’aujourd’hui, la montée du chômage, les contrats précaires, les atteintes à la vie privée, le manque de recul à la vie numérique, les intelligences artificielles omniprésentes, et cetera. Le livre renferme une critique des multinationales qui multiplient les génocides écologiques, des politiques qui laissent de plus en plus de gens crever dans la rue sans rien faire, laissant des associations dont ils coupent les moyens, dans un monde uniquement d’apparence et de consommation, on comprend vite que la cause humaine (animale ou quelque éthique que ce soit) est définitivement perdue.

Ce qui est agréable chez Catherine Dufour, c’est que ça SF est moqueuse, elle est rieuse : on se marre à chaque nouvelle. Les influenceurs en prennent pour leur grade, les politiques aussi, l’ASMR n’en parlons pas. Les personnages qu’elle met en scène sont désespérés, névrosés. Bien que drôles ce ne sont pas des récits tendres, l’humour est souvent noir. Les pages sont habitées de beaucoup de viols, de violence, de meurtres et de tortures diverses.

Pourtant, on rit de cette société si lisible et si évidemment la nôtre qui a complètement dérivé, et dont seul l’humour cache sa noirceur, l’assassinat de l’humanité. Comme on l’avait vu avec son précédent recueil de nouvelles, Catherine Dufour est survoltée.
Certaines de ses nouvelles sont très clairement féministes, par exemple l’une d’entre elles met en scène une détective qui enquête sur les meurtres. Dans cette réalité alternative et futuriste, les meurtres sont en grandes parties perpétrées par des femmes. Catherine Dufour essaye donc d’explorer un beau reflet inversé de notre réalité d’aujourd’hui.
Je n’ai pas encore parlé de l’écriture, je n’ai pas grand-chose à en dire. Elle est agréable, efficace, et surtout il y a un sens de la formule hilarant. Cela est tout particulièrement démontrer avec non pas une nouvelle de science-fiction, mais un petit essai, un petit article biographique sur Alfred de Musset qui se balade dans cet étrange recueil. Je ne sais pas pourquoi elle a choisi de s’en prendre à ce pauvre Musset, mise à part que c’était un grand misogyne, mais elle l’a habillé pour l’hiver, les hivers qu’il a vécu, et tous ceux à venir depuis sa mort et encore pour quelques siècles. C’est franchement drôle, je pense que si vous voulez faire aimer aux ados la littérature, vous pouvez leur faire commencer par lire ce petit essai humoristique sur la vie sexuelle d’Alfred de Musset, qui en soit n’est pas bien méchant ni vulgaire ni érotique ni pornographique mais qui au moins a le mérite d’attraper la littérature par un bout qui les intéresse.

Bref, c’est un ouvrage que je conseille, il est drôle et en plus de cela il est pluriel. C’est-à-dire que entre chaque nouvelle que nous découvrons il y a une page de pub. Ces pubs mettent en scène des objets futuristes et généralement complètement tirés par les cheveux qui font écho aux différents mondes que nous croisons à travers les nouvelles. Ainsi, ces pages de pub comme un fil rouge complètement fou, appuie d’autant plus sur l’aspect assez vains des nouvelles, assez ridicule de ce monde qui nous est préparé aujourd’hui.

6 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Sacha dit :

    Une dystopie hilarante, ça va me plaire ! J’avais déjà noté chez toi son autre recueil (mais pas encore lu), cette autrice est décidément à suivre.

    1. Oui, ce sont deux recueils de nouvelles que je trouve hilarant !

  2. Ingannmic dit :

    Et en plus il est préfacé par Alain Damasio : je note !!

    1. OUIIIIII !!! tu me doras si tu as autant ri que moi !

      1. Je suis bien contente que cela t’ait plu !

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