Mercredi, c’est Poésie

Mercredi, c’est Poésie #08, notre Rendez-vous bi-mensuel, trouvé sur le blog de Ninaselivre ! Ce mois-ci, nous allons lancer une thématique (et oui, en ce moment j’ai envie de vous proposer des thématiques.) Nous découvrirons donc deux Poèmes au sujet de Narcisse.

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Pourquoi ce thème ?

Parce que je me suis souvenue du livre Isis, Narcisse et Psychée que j’avais aimé et dans lequel j’avais trouvé de beaux textes. Mais les poèmes ne viennent pas de là.

Je vous propose un premier poème, aujourd’hui un peu classique, et un second, dans deux semaines, un peu plus inattendu.

Narcissiae placandis manibus. 

Ô frères! tristes lys, je languis de beauté
Pour m’être désiré dans votre nudité,
Et vers vous, Nymphe, Nymphe, ô Nymphe des fontaines,
Je viens au pur silence offrir mes lames vaines.

Un grand calme m’écoute, où j’écoute l’espoir.
La voix des sources change et me parle du soir;
J’entends l’herbe d’argent grandir dans l’ombre sainte,
Et la lune perfide élève son miroir
Jusque dans les secrets de la fontaine éteinte.

Et moi! De tout mon coeur dans ces roseaux jeté,
Je languis, ô saphir, par ma triste beauté!
Je ne sais plus aimer que l’eau magicienne
Où j’oubliai le rire et la rose ancienne.

Que je déplore ton éclat fatal et pur,
Si mollement de moi fontaine environnée,
Où puisèrent mes yeux dans un mortel azur
Mon image de fleurs humides couronnée!

Hélas! L’image est vaine et les pleurs éternels!
À travers les bois bleus et les bras fraternels,
Une tendre lueur d’heure ambiguë existe,
Et d’un reste du jour me forme un fiancé
Nu, sur la place pâle où m’attire l’eau triste…
Délicieux démon, désirable et glacé!

Voici dans l’eau ma chair de lune et de rosée,
Ô forme obéissante à mes yeux opposée!
Voici mes bras d’argent dont les gestes sont purs!…
Mes lentes mains dans l’or adorable se lassent
D’appeler ce captif que les feuilles enlacent,

Et je crie aux échos les noms des dieux obscurs!…

Adieu, reflet perdu sur l’onde calme et close,
Narcisse… ce nom même est un tendre parfum
Au coeur suave. Effeuille aux mânes du défunt
Sur ce vide tombeau la funérale rose.

Sois, ma lèvre, la rose effeuillant le baiser
Qui fasse un spectre cher lentement s’apaiser,
Car la nuit parle à demi-voix, proche et lointaine,
Aux calices pleins d’ombre et de sommeils légers.
Mais la lune s’amuse aux myrtes allongés.

Je t’adore, sous ces myrtes, ô l’incertaine
Chair pour la solitude éclose tristement
Qui se mire dans le miroir au bois dormant.
Je me délie en vain de ta présence douce,
L’heure menteuse est molle aux membres sur la mousse
Et d’un sombre délice enfle le vent profond.

Adieu, Narcisse… Meurs! Voici le crépuscule.
Au soupir de mon coeur mon apparence ondule,
La flûte, par l’azur enseveli module
Des regrets de troupeaux sonores qui s’en vont.
Mais sur le froid mortel où l’étoile s’allume,
Avant qu’un lent tombeau ne se forme de brume,
Tiens ce baiser qui brise un calme d’eau fatal!
L’espoir seul peut suffire à rompre ce cristal.
La ride me ravisse au souffle qui m’exile
Et que mon souffle anime une flûte gracile
Dont le joueur léger me serait indulgent!…

Évanouissez-vous, divinité troublée!
Et, toi, verse à la lune, humble flûte isolée,
Une diversité de nos larmes d’argent.

avt_paul-valery_9551Texte de Paul Valery, auteur qui m’a traumatisé il y a quelques années, quand je l’ai étudié en critique littéraire avec un prof horrible ! Paul Valery est un classique du XXème siècle, poète et philosophe, grand analyste de la langue, et surtout, de la pensée de la langue française. J’ai eu droit à toute une séquence dessus et je ne me souviens que de cela. Je l’avais étudié en tant que théoricien et non en tant que poète, et j’ai eu la surprise d’aimer ce texte (ci-dessus.)

Pourquoi l’avoir aimé ?

Je trouve le vers beau et fluide – déjà – et ce n’est pas négligeable dans un poème. Mais je le trouve également très imagé. Là où parfois la poésie est nébuleuse tant elle se veut délicate ! Ici, justement je trouve les mots percutants qui nous englobent très justement dans l’atmosphère avec une fidélité au mythe qui me plait particulièrement.

Et vous ? Des souvenirs de Paul Valery ? Que pensez-vous de ce poème ? Et du Mythe de Narcisse ?

6 commentaires Ajouter un commentaire

  1. ninaselivre dit :

    et hop encore un auteur à ajouter à la longue liste des auteurs que je n’ai pas encore lu ^^ !!! j’adore ce poème et je suis aussi captivée par le mythe de Narcisse , les vers sont magnifiques ❤

    1. Hihihi !
      Ta liste doit être immense maintenant Hihihi !

      1. ninaselivre dit :

        pfff t’imagines même pas ^^

  2. Intéressant et agréable; La poésie est si malmenée, hélas !

    1. Je suis bien d’accord ! Ca fait du bien parfois, pourtant. J’ai bien peur que les gens la pense intellectuelle, alors que ça reste de l’art pourtant, il faut savoir se laisser aller à ses sentiments devant la musique des mots.

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