Archéologie des trous – Hardy

Pour être tout à fait honnête, je ne sais vraiment pas ce que je viens de lire. L’article sera sans doute maladroit, car de cette lecture ne reste qu’un point d’interrogation qui prend toute la place, tant qu’il bouscule les meubles.

Stacy Hardy, L’archéologie des trous, ROT.BO.KRIK, 2022, 288 pages.

Une fois n’est pas coutume, j’ouvre cet article avec la quatrième de couverture de cet étrange recueil de nouvelles :
Les nouvelles de « Archéologie des trous » se déroulent dans une Afrique du Sud oscillant entre fantastique et réalisme cru. Une narratrice aux yeux perçants et médusés ausculte les trous, qui sont partout : dans les corps, les désirs, la terre saccagée, les vies et les mémoires effacées, les amours et les massacres oubliés. Dans cette fresque hallucinée, on pourra tout aussi bien autopsier son propre cadavre, vivre à l’intérieur d’une vache, fomenter une révolte de travailleurs migrants, découvrir un empire déchu au fond d’un terrain vague, se livrer au trafic de poux, explorer un trou noir en creusant dans son jardin, ou être présent le jour où les blancs sont repartis par la mer.

Alors, je ne sais pas par où commencer. Peut-être par le côté fantastique de la chose : tant fantastique que certaines nouvelles nous font découvrir comment c’est de « vivre à l’intérieur d’une vache » ; le commerce des puces de langues (qui aspire votre langue de toute vie mais dont vous ne pouvez plus vous passer, un syndrome de Stockholm se développe avec ce parasite) ; ou encore une bête non identifiée visqueuse et duveteuse que vous trouvez installée de bon matin dans votre vagin…
De la portée symbolique de toutes ces choses, je n’ai rien saisie. J’ai lu, j’ai vu les personnages aux emprises avec ces éléments, ces évènements, chercher des réponses ou qui tout simplement cherche à apprendre à vivre avec. Mais je n’ai rien compris.

D’autres nouvelles sont plus proches de l’onirisme, des déserts, de l’errance, des terrains vagues… Un onirisme complètement cauchemardesque. Plusieurs nouvelles parlent des femmes, de féminisme – ça j’ai pu identifier ! – des violences sexuelles, domestiques, de l’émancipation. Mais les nouvelles restent viscéralement enlisées dans une purée de pois, un flou dont rien ne sort. On est plongé dans des métaphores de détails symboliques et totalement inatteignables, insaisissables.

Mais je suis à peu près certaine que c’est fait exprès, car, dans l’incompréhension totale, ces nouvelles cauchemardesques et pour la plupart incompréhensibles qui s’enchaines sont toutes des poésies en prose. C’est ça, finalement, qui permet de continuer la lecture (sans toutefois maintenir l’attention à son apogée) : c’est que c’est beau. Les mots s’enchainent, des perles sur un fil. Les scènes sont souvent dures, crues, ou tout à fait inquiétantes, la peur est diffuse, instillée dans ces pages de poésies étranges qui ouvrent sur un univers insaisissable qui ressemble pourtant au nôtre.

Autre que le féminisme, on reconnait les thématiques du colonialisme (l’autrice, professeur d’écriture à l’Université est originaire d’Afrique du Sud).
Et, finalement, la nouvelle qui m’a le plus plu (en fait, la seule qui m’a plu, bien que j’ai réussi à saisir le sens d’une ou deux autres) c’est la moins fantastique, la moins poétique. Peut-être ai-je fait preuve d’un manque de sensibilité ? Mais je vais donc vous parler de cette très courte nouvelle, que j’ai trouvé implacablement réussie.

« Je voyage avec les morts » commence ainsi :
« Vous me croyez si je vous dis que je voyage avec les morts ? C’est pourtant vrai c’est un métier qui existe. Je travaille pour une boîte dans cette branche, puisque parfois il faut que quelqu’un accompagne un cercueil en transit : légalement – un cercueil arrive d’un pays ou va vers un pays pour lequel cela est requis – […]« 
Ce thème m’avait déjà beaucoup plu dans le recueil Une femme chez les chasseurs de têtes de la journaliste Titaÿna. L’idée est en effet de faire cheminer les dépouilles à travers les déserts pour les rendre à la famille ou les enterrer en terre sainte ou selon des rites spécifiques. Stacy Hardy nous montre ici un vrai business de déplacement de corps, qui existe bel et bien aujourd’hui. Elle le fait avec moins de poétique de pour les autres textes de ce recueil mais appuie toujours sur l’étrangeté des choses, de ce métier en l’occurrence. Elle travaille le détachement caractéristique des narrateurs de ses nouvelles, noyant subrepticement sa nouvelle de détails administratifs pour en réalité parler de problèmes politiques ou de crimes de guerre.
Cette nouvelle, c’est vraiment une réussite, et si d’aventure vous vous intéressez à ce livre, je serai ravie de découvrir les clés de lectures que vous pourriez m’apporter concernant les autres nouvelles !

5 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Ça a l’air très spécial comme recueil de nouvelles… Je ne suis pas vraiment tentée même si tu retiens un côté poétique. Et si tu n’as pas compris grand chose à ce livre je préfère m’abstenir 🙂 Merci et très bonne journée à toi Marie !

    1. J’avoue que je ne le conseille pas, j’ai été très déçue. Merci pour ton commentaire et très bonne journée à toi !

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