Chez soi – Chollet

Comme beaucoup, j’ai été séduite par cette lecture de confinement proposée gratuitement sur le site de Zone éditions et écrite par Mona Chollet dont je trouve l’écriture particulièrement agréable.
La prochaine chronique sera également au sujet d’un livre, paru plus récemment, chez Zone éditions d’ailleurs.

Mona Chollet, Chez soi, Zone éditions, 2015, 330 pages.

Finalement, j’ai trouvé quelque chose de très différent de ce à quoi je m’attendais en ouvrant le livre.
Au début, j’ai été un peu déçue car on retrouve plutôt un warning quant à la perte de productivité qu’amènent les réseaux sociaux. On met un bon moment à trouver l’ode à la maison, à son intérieur. Quand cet ode pointe le bout de son nez, cela avait plutôt un goût de vacances, d’évasion, de maison des aïeux, parce qu’en bonne citadine, la maison a plutôt une tête d’appartement.

Dans ses réflexions autour des réseaux sociaux, elle explique qu’ils tendent la procrastination comme une piège. Personnellement, je lutte encore pour me prémunir de ça, mais je suis loin d’être au dessus du lot et je craque comme tout le monde. J’essaie épisodiquement de m’investir dans les réseaux sociaux, mais ça n’est souvent pas ma came bien longtemps. En tout cas, je reste bien contente de ne pas être tombée dans ce travers. Pourtant, comme elle, lorsque je reçois un commentaire négatif ou piquant, quand je vois un post qui me met mal à l’aise, cela tourne dans ma tête pendant des heures, des jours, et c’est inexplicable car tout n’est alors qu’écrans interposés. C’est l’intrusion du public dans l’espace privé à n’importe quelle heure, n’importe quel moment par le biais de l’ordinateur ou d’un téléphone. Finalement, avons nous encore l’occasion d’être réellement chez nous ? Dans notre bulle, notre cocon ?

Je ne l’ai pas lu en ce moment par hasard, de même que Zones Editions n’a pas publicité sa gratuité par hasard. Mais c’est vrai que l’ode à la maison tarde réellement, et toujours au sujet des réseaux sociaux, qui finalement, sont presque un fil rouge pendant une bonne partie du livre, cela nous permet de penser au confinement, et à cet sphère publique qui atteint l’intime. Avec les mamans cuisinières parfaites qui postent leurs photos parfaites sur les réseaux, que chacun veut se faire bien voir, montrer ses exploits… Le confinement aura amplifié cette tendance : sur les réseaux, absolument tout le monde y va de son exploit de confinement, que ce soit avoir lu un livre, fait des crêpes ou trois squats…
Surtout, ce que les gens redoutent, ce serait de s’être laissé atteindre par l’oblomovisme (voir article précédent) et surtout le prouver au monde.

Enfin, nous arrivons au chapitre « La grande expulsion » qui raisonne de justesse, il est réellement pertinent, chapitre éminemment politique mais qui vise juste. Un livre sur le plaisir d’être Chez soi (bon, à ce moment du livre on n’y est pas encore arrivé…) mais qui montre que c’est bel et bien un luxe d’avoir un Chez soi qui ne soit pas insalubre et qui soit tangible. Ce chapitre est criant de vérité, et je pense qu’il était important de l’écrire, entre les arnaques au logement, les crédits parfois plus cher qu’un loyer, l’appauvrissement de la population qui placent leurs économies dans l’immobilier pour devenir propriétaire mais qui n’ont alors plus de quoi épargner. Enfin, c’est un discours que je trouve pertinent, surtout au sujet des logements de plus en plus petits, bien qu’elle fasse une ode au studio. Le premier studio, quelle émotion ! C’est toujours quelque chose, mais il est vrai qu’en vieillissant on aurait bien un peu plus grand. Et dans les grandes villes, à 35 ans, avoir la douche dans la cuisine ça lasse un peu.

Page 124, elle cite Nicolas Bouvier qui s’interroge sur le fait que les gens ne fassent pas de retraite au moins une fois par an, pour se déconnecter de la société, se retrouver… « Mais quand a-t-on le temps de vivre ? » demande une blogueuse page 127, et c’est justement le genre de question que j’ai pour habitude de me poser quand je vois la vie de tous les jours que je mène en temps normal. « On attend le week-end » ne serait ce que l’expression « Aller comme un lundi » (page 138) Imaginez le temps qu’on perd à être victime de sa vie ? C’est abyssal et terrifiant. Je ressentais vraiment ce besoin de « me laisser porter » (page 151). Et pourtant, page 160, l’aliènement au travail est bien omniprésent chez certains.
Dans ce livre sur le Chez soi, on trouve également un long chapitre sur le logement comme lieu des inégalités, charge de mental etc. C’est un long chapitre que j’ai lu un peu rapidement, car en réalité, elle l’a repris et y consacre une bonne partie dans son livre Sorcière, et depuis la sortie de Chez soi ces thématiques ont fait beaucoup de bruit.

Enfin, pour conclure cet article, ceux qui souhaitaient un ode à la maison auront du mal à le trouver, il est plutôt criant des réalités et inégalités de notre jour, et en fait donc un livre tout à fait intéressant. Cependant, la désillusion risque de se lire chez certains, mais à ceux-là je conseillerais vraiment cette lecture en temps de confinement, pour relativiser cette période pas facile pour tout le monde !

Enfin, le livre s’achève (pages 350/351), avec ce que je défends depuis de longues années. Je n’ai pas eu que peu de plaisir à lire cette conclusion, pleine d’un bon sens que je ne parvenais pas expliquer avec mes propres mots :

En somme, si nous voulons être de vrais écologistes, nous devons apprendre à rêver de huttes mitoyennes. Mais intégrer cette réalité, cesser de confondre consommation de paysages et préservation de la biosphère, implique une conversion mentale difficile à opérer. L’imaginaire écologiste, […] associe la ville à une existence lâche, moutonnière, sinistre et résignée. […]

On peut comprendre ce rejet des villes. La pollution, la saleté, la promiscuité, les embouteillages, les transports publics bondés, les couloirs de métro à l’éclairage blafard qui puent la pisse ne sont pas des vues de l’esprit. Mais peut-être faudrait-il investir son énergie dans la recherche d’une amélioration de la vie urbaine plutôt que dans la recherche des moyens de la fuir. Chez les citadins qui ne peuvent plus payer des loyers devenus exorbitants, certains, sensibles au rêve d’un ermitage idyllique, espèrent faire de nécessité vertu en déménageant dans des localités rurales ; un espoir souvent déçu, comme on l’a vu. La lutte pour des logements abordables en ville comporte ainsi un enjeu écologique autant qu’un enjeu social. Et si l’on aspire au contact avec la nature, on peut aussi tenter de lui donner une plus forte présence dans la cité. […]

Les présupposés culturels qui nous amènent à rêver de vivre loin de tout […] Mais l’aspiration à l’émancipation se mêle parfois d’un individualisme pas si éloigné de celui dont se nourrit l’idéologie libérale […]

La vogue actuelle du do-it-yourself témoigne de cette ambiguïté. Si sa justification écologique est indéniable dans certains cas, par exemple quand il permet de donner une seconde vie à des objets abîmés, elle est beaucoup plus douteuse dans d’autres, remarque la blogueuse Aude Vidal : « Le pain cuit à la maison est le plus souvent un désastre environnemental. Four électrique, trop grand et préchauffé pour une fournée d’un malheureux pain, ce serait plus écolo que d’aller à vélo chez une boulangère qui travaille avec un four à bois ? Des copines écolos, qui font des choses utiles et ravissantes, me disaient un jour à propos d’une de leurs activités qu’elles pensaient comme moi que la fabrication maison était plus énergivore que la fabrication industrielle, mais quand même, “c’est sympa”. »

9 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Goran dit :

    Personnellement, être chez moi dans mon cocon, j’y arrive très bien…

  2. C’est un livre qui ne va pas tarder à atterrir dans ma PAL ! Je suis fan de mon intérieur ainsi que de Mona Chollet ! Le combo parfaite.😉

    1. Ça y ressemble oui 😁

  3. keisha dit :

    Chic, j’ai emprunté ce livre à la bibli, juste sortie du confinement.

    1. Lecture de saison 😊 de belles réflexions sociales !

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