Entretien avec un Auteur – Pascal Malosse

Malgré le titre du recueil nous sommes loin du Challenge des littératures slaves.
Pascal Malosse, auteur français, s’est inspiré du froid russe pour nous livrer ce recueil de nouvelles. C’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai reçu sa demande de faire une critique de son livre. Je suis absolument honorée que le Bar aux Lettres ait eu grâce à ses yeux.
Et je vous propose le deuxième rendez-vous d’« Entretien avec un auteur » et je vous annonce que le troisième est déjà en préparation !

Pascal Malosse, merci encore infiniment pour votre confiance.
Merci également de m’accorder cet entretien, alors qu’ActuSF s’y est déjà frotté [ici et ici], nous nous efforcerons alors de ne pas y faire concurrence.

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Pascal Malosse, Contes de la vodka, collection « Brouillards », Editions Malpertuis, avril 2017, 202 pages.

4e de couverture :

Que l’époque soit aux couronnes impériales, aux rideaux de fer ou aux thérapies de choc, que le ciel soit clair et vif, chargé d’épais nuages de neige, ou bien alourdi d’une acre fumée, un liquide coule toujours, irriguant l’âme de nations entières. Dans ses volutes transparentes, le buveur voit ses rêves prendre forme, et derrière toute l’étrangeté du monde, un sens caché peut alors lui apparaître… entre autre effets moins prévisibles.
En accepterez-vous un petit verre ? Prenez celui que vous tend Pascal Malosse. Accueillez dans votre gorge la glaciale chaleur et la morsure suave de la vodka. Vous serez alors prêt à faire un pas vers l’ailleurs, celui auquel vous invitent les nouvelles de ce recueil.

Bonjour Pascal Malosse, vous avez récemment sorti votre recueil de nouvelles Contes de la vodka aux Editions Malpertuis.

Pourquoi ce terme de « conte » qui ne sied pas forcément à toutes les
« nouvelles », justement. Est-ce pour inviter à entrer dans les histoires somme le propose la 4e de couverture ?

La définition du « conte » est sujette à discussion. Chacun peut avoir la sienne. Ce mot me donne envie d’entrer dans une histoire, de rêver, d’être bercé par la poésie. Plus que la nouvelle ou le roman, le conte évoque chez tous les lecteurs des souvenirs littéraires bien précis. En l’espèce, il s’agissait d’un clin d’œil aux contes du whisky de Jean Ray.

Etes-vous un grand lecteur ? Quel est le premier livre qui vous a marqué, pourquoi ?

Je lis toujours plusieurs livres en même temps, et de plus en plus. Au point que je dois désormais faire attention à mes finances. Je suis incapable de me rappeler du premier livre marquant. J’ai lu assez tôt tous les romans d’Agatha Christie. Les mystères m’attiraient le plus, pas forcément leur résolution. Je me souviens aussi de R.L Stine et de sa collection chair de poule que je lisais avidement.

Pour vous l’écriture est une passion de longue date ou un déclic ? Racontez.

J’ai commencé à écrire à 10, 11 ans grâce à un excellent professeur de français à Bruxelles qui nous incitait à être créatif. Ensuite, il y a eu une période où j’ai écrit des poèmes. Je cherchais avant tout les belles phrases. Puis des premières histoires à l’adolescence. J’écrivais pour des amis ou pour les filles…

Combien de temps pour écrire ce recueil ? Quel est votre rythme de travail : plutôt régulier ou soumis aux affres de l’inspiration ? Est-ce très différent d’une nouvelle à une autre ?

Environ un an de travail. Je n’ai jamais eu de mal à trouver « l’inspiration ». Mais il vrai que certains textes s’écrivent plus rapidement. Je rame pour d’autres. Au final, je ne me souviens plus quels étaient les textes « faciles » ou « difficiles ». C’est là qu’on voit que l’écriture est une pratique, un métier en quelque sorte.

Avez-vous besoin d’un environnement particulier pour écrire ? Un lieu qui vous aiderait à atteindre le bon état d’esprit, par exemple ?

Idéalement, j’écris dans le calme complet, mais il m’arrive de le faire dans des conditions bruyantes et stressantes. J’ai un « autre » métier prenant liés aux projets européens. On écrit quand on trouve le temps. Très peu de gens vivent de leur plume. Dans les salons littéraires, mes collègues sont souvent traducteurs, éditeurs, parfois banquiers, ingénieurs, fonctionnaires, etc.

Franco-polonais, vous avez énormément voyagé : vous vous inspirez donc des lieux que vous avez visités. Mais il y a-t-il des nouvelles plus autobiographiques que d’autres ? Plus personnelles ? Lesquelles et dans quelles mesures? Vous parliez de « La fille de la frontière » à Actu SF.

« La fille de la frontière », est en effet inspiré des histoires de mes parents qui se sont mariés en Pologne et ont souvent subi la stupidité des policiers aux frontières, des heures d’attente, des tentatives de chantage. Mais cela existe encore. Je l’ai vécu lors d’un voyage au Gabon notamment. Il suffit de sortir d’Europe.
Sinon quand je puise dans des éléments personnels, il s’agit plutôt de sensations d’étrangeté, de scènes auxquelles j’ai assisté et qui me sont restées en mémoire. C’est le cas pour « la rue Brzeska ».

Nous l’avons dit, vous accordez beaucoup d’importance aux lieux réels. Souvent, l’architecture prédomine dans vos nouvelles : maisons fantômes, villes détruites, paysages industriels, musées, maison voyeuriste… Vous nous baladez dans l’Histoire de l’architecture et dans les secrets des constructions, l’humeur de vos personnages, et leurs personnalités se reflètent d’ailleurs dans leur environnement proche. Pourquoi le lieu, l’architecture sont-ils aussi prégnants ?

Surtout parce qu’ils sont les témoins de l’humanité, des exploits et des échecs de nos ancêtres. Et qu’ils seront certainement là après notre mort. Les lieux et l’architecture vous donnent un accès direct à l’Histoire. Au risque de me faire écraser, je me promène toujours dans les vieilles villes la tête en l’air, à la recherche de ces traces émouvantes. Si je me retrouve dans un quartier de bureaux récents, c’est plutôt l’horreur qui m’habite.

L’art aussi m’a paru au cœur des récits. Art architectural, certes, mais nous plongeons tout de même régulièrement dans le milieu artistique : que le musée soit le centre de la nouvelle, ou par touches éparses il est omniprésent. Avez-vous un lien particulier avec ce milieu, êtes-vous vous même amateur ou souhaitez-vous animer l’intérêt artistique chez vos lecteurs ?

Les arts communiquent entre eux. Une idée peut passer d’un livre à un tableau, puis revenir sous la forme d’une mélodie, d’un ballet, d’une photographie ou d’un film. L’isolement des arts n’a aucun sens. Je pense d’ailleurs les expositions et les musées devraient mélanger toujours plus les arts, établir des ponts. J’essaye de le faire aussi à mon modeste niveau. Je suis amateur de tous les arts, je crois que j’aurais aimé les étudier au lieu du droit fiscal.

Beaucoup de personnages sont des chercheurs ou des intellectuels, pourquoi ce milieu ?

Il y a aussi des enfants, des jeunes gens un peu paumés, des flics ordinaires, des ouvriers d’usine, un directeur de cabaret. Les intellectuels et les chercheurs, peut-être conformément à la tradition du genre fantastique, sont victimes de leur propre curiosité et finissent par se confronter à des choses étranges ou horribles.

Les éditions Malpertuis ont une ligne résolument fantastique, certains lecteurs pourtant trouvent dans votre livre plus d’étrange que de réel fantastique, qu’avez-vous à y répondre ?

Je vous réponds que l’étrange constitue l’essence du fantastique. Les frontières sont très poreuses. C’est l’histoire qui compte, pas les catégories.

Pensez-vous que ces lecteurs sont déroutés par les chutes en point d’interrogation. Etait-ce important pour vous que le lecteur continue à s’interroger ou se créé sa propre opinion ?

Plutôt que des chutes, l’important pour moi est d’obtenir un effet, qu’il soit plaisant ou non pour le lecteur. Je pars d’une idée forte, quelque chose d’essentiel qui doit prendre la forme d’une histoire. Elle s’exprime parfois au tout début, parfois en cours de route. Pas forcément à la dernière ligne. Une chute peut être mécanique, trop huilée, et finalement moins intéressante qu’une ouverture. Les nouvelles sont l’occasion d’expérimenter, au risque de décevoir. Bien sûr je comprends que les lecteurs puissent avoir d’autres goûts.

Certaines nouvelles sont très ancrées dans notre monde, ou plutôt dans l’histoire des pays slaves : on a dans certaines nouvelles l’impression d’une réécriture fantastique du monde, était-ce votre volonté ?

Chaque écrivain, chaque peintre, réalisateur, etc. propose sa vision de monde. La mienne a pris cette forme étrange et fantastique d’une façon spontanée. Je voulais seulement surprendre, étonner, charmer. Pour que le fantastique fonctionne, il faut souvent commencer par un cadre très réaliste, familier et ensuite basculer.

A l’inverse, certaines nouvelles semblent avoir un pied dans la Science-fiction, et d’autres ne semblent pas avoir de temps ni d’espace qui les rattacherait spécifiquement au monde slave : de manière générale, les nouvelles ont-elles été élaborées avec la Russie comme thème proéminent ou d’abord se dessinait-il une trame ?

Tout simplement, l’objectif était d’écrire des nouvelles en lien avec l’endroit où j’habitais, à Varsovie. Pendant sept ans, j’ai appris la langue, je me suis imprégné de cette culture, de la mentalité, de l’art de cette région. Mon épouse est polonaise et j’ai renoué des liens avec ma famille sur place. Je souhaitais que cela donne une coloration plus ou moins forte aux textes. Plutôt qu’une trame, il s’agissait d’une exploration, d’adresser ses propres obsessions sur un nouveau terrain de jeu.

Pour la suite, vous parliez à ActuSF d’un roman à paraître chez Malpertuis. On peut en savoir plus ? D’autres projets se profilent également ?

Sous réserve d’un éventuel changement, le titre est « Les fenêtres de bronze ». L’action se déroule à Paris, mais il y a des éléments slaves. J’ai voulu écrire ce premier roman avec une économie de moyens et un maximum d’efficacité. C’est-à-dire un nombre restreint de personnages et de lieux, comme un scénario de film à petit budget. Cela m’a permis d’obtenir une structure que j’espère assez solide, déjà très complexe à mettre en œuvre pour moi qui suis habitué aux textes courts. Entre-temps, je me suis remis à la nouvelle. Presque une façon de souffler. Je peux ainsi continuer à expérimenter et à torturer mes lecteurs avec plaisir.

Merci encore infiniment ! Et pour votre confiance, et pour vos réponses si pertinentes.

4 commentaires Ajouter un commentaire

  1. PHILIPPE D dit :

    Merci pour le petit mot laissé chez moi et pour la (les) prochaine(s) participation(s).
    Il suffit donc de trouver un titre qui contient un mot qui fait penser à un liquide et le tour est joué.
    Bonne fin de semaine.

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